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les acheteurs des déboires tant répétés que leur avaient infligés leurs adversaires et qui a mis immédiatement ceux-ci en déroute. En quelques bourses, on a vu le 5 pour 100 ancien, transformé en 4 1/2 pour 100 nouveau, s’élever d’une unité, puis regagner toute la valeur du dernier coupon détaché sur le taux de 5 pour 100. Les deux rentes 3 pour 100 n’ont pas été moins favorisées, de sorte que toute la cote de nos fonds publics a bénéficié d’une transformation de cours d’autant plus sensible que la faiblesse à laquelle succédait cette amélioration subite s’était prolongée pendant plusieurs mois.

Le découvert a été surpris par l’événement. Mollement attaqué le jour de la réponse des primes, il ne croyait pas à un péril si prochain malgré la facilité avec laquelle la liquidation s’accomplissait et le bon marché des reports. Ce n’est qu’après la fixation des cours de compensation que, l’audace des haussiers croissant, il s’est vu incapable de résister et a précipité lui-même par des rachats opérés en toute hâte le mouvement de reprise.

La situation financière créée par le vote des conventions est évidemment favorable au maintien des cours si rapidement acquis, et même à une accentuation modérée du mouvement de hausse sur nos fonds publics. Il ne faut pourtant pas croire pour cela que tout embarras budgétaire ait disparu. Nous avons encore un budget extraordinaire d’une ampleur fort majestueuse, puisque, malgré l’allégement qui vient de un être apporté, il prévoit pour 1884 un chiffre de dépenses de 265 millions de francs, dont 140 millions affectés aux travaux concernant les rivières, canaux, ports, et certaines lignes de chemins de fer, 110 millions à la reconstitution de notre matériel militaire, et le reste réservé au ministère de la marine et des colonies et à celui des postes et télégraphes.

Ces dépenses seront couvertes par le produit d’un emprunt à émettre en 1884, et pour le service duquel se trouve inscrite au chapitre V du budget du ministère des finances, dans le projet de budget ordinaire, une somme de 13 millions. Mais d’autres dépenses sont encore à prévoir : les deux caisses des lycées, collèges et écoles et des chemins vicinaux auront à fournir en 1884 une somme nette de plus de 100 millions qui devra être prise sur les ressources de la dette flottante. Enfin le budget de 1883 se soldera en déficit comme celui de 1882 et il en sera de même, selon toute probabilité, pour celui de 1884.

La situation budgétaire, pour n’être plus périlleuse, reste donc assez grave pour que le gouvernement, les assemblées, l’opinion publique, et, sur un terrain plus spécial, la spéculation, reconnaissent la nécessité d’user de grands ménagemens. Au surplus, un événement assez inattendu, pour la Bourse du moins, vient de rappeler la spéculation à la prudence et d’arrêter pour quelques jours, sinon pour quelques semaines, le mouvement commencé. Alors que tout paraissait tranquille au-delà