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Quelconque de l’Asie, alliances ou querelles, intéressent non pas seulement la diplomatie orientale, mais encore, au plus haut degré, la politique de l’Europe. À ce dernier point de vue, les difficultés qui viennent de se produire en Cochinchine et au Tonkin peuvent avoir des conséquences dont il est prudent de mesurer dès à présent l’étendue et de prévoir la gravité.


III

En Asie, toutes les nations de l’Europe sont solidaires. L’histoire de leurs relations avec l’extrême Orient montre au prix de quels efforts, persévérans et patiens, tantôt par les ; négociations, tantôt par la force des armes, elles ont obtenu peu à peu la faculté de pénétrer en Chine et au Japon. Jusqu’ici elles ont été d’accord, poursuivant une conquête qui devait leur être commune, donnant leur concours, ou tout au moins leur assentiment et leurs vœux aux gestes successifs de la croisade engagée pour ouvrir au commerce les marchés de l’extrême Orient. Lorsque l’Angleterre a fait seule, la guerre de 1840, toute l’Europe et les États-Unis savaient que les résultats de la victoire leur profiteraient en même temps qu’aux Anglais et que, les portes de la Chine une fois ouvertes, le commerce général aurait ses entrées sur les marchés nouveaux. Lorsque l’Angleterre et la France firent ensemble les campagnes de 1858 et de 1860 (et l’on ne doit pas oublier que cette grande expédition fut, sous le rapport militaire, quelque peu risquée), les autres gouvernemens de l’Europe suivirent avec sympathie la marche des deux drapeaux dont le succès allait servir les intérêts de toutes les nations et pratiquer dans les vieilles murailles de la Chine une ouverture plus large. À la suite de cette guerre, la politique traditionnelle des anciens empires de l’Orient s’est transformée. Des ambassadeurs européens résident à Pékin et à Yedo ; des traités, ont été signés, la paix a été maintenue, et les affaires commerciales et maritimes s’accroissent chaque année. Toutes les nations, l’Angleterre, la France, l’Allemagne, les États-Unis, l’Espagne, etc., ont tiré avantage de cet état de choses ; elles y ont gagné, dans des proportions inégales, il est vrai, mais au même titre, comme des associés qui, dans une entreprise concertée, ont apporté leur part différente de capital et d’activité. Voilà des résultats que chacun des associes est intéressé à ne point voir compromis. N’oublions pas qu’ils datent de trente ans à peine, qu’ils ont été subis plutôt que consentis, qu’ils demeurent exposés aux variations et aux caprices de la diplomatie orientale, qu’il existe à Pékin, à Yedo, à Hué, des partis puissans qui demandent le retour à l’ancienne politique et poussent à l’exclusion des étrangers, des barbares. » Les rapports avec les gouvernemens de