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soit la cargaison qu’il porte, — est matière à saisie et à confiscation. Bluntschli, sans doute, a pu dire que « la logique du développement historique doit forcément amener à reconnaître l’inviolabilité de la propriété privée ennemie sur mer, comme elle est déjà reconnue sur terre, » et, nous nous plaisons à le constater, tel est le mouvement de l’opinion publique depuis un demi-siècle que cette prévision n’a rien de déraisonnable. Le président Pierce, dans son message du 4 décembre 1854, en annonçant à l’Europe que les États-Unis ne renonceraient pas à l’emploi des corsaires, ajoutait que, si les principales puissances de l’Europe s’accordaient à proposer comme principe de droit international l’inviolabilité de la propriété particulière sur l’Océan, il était prêt à se rencontrer avec elles « sur ce large terrain, » et la célèbre note de M. Marcy (28 juillet 1856) reproduisait le système du message. Un peu plus tard, le ministre des affaires étrangères du Brésil, dans une note diplomatique du 18 mars 1858, exprimait le vœu que les puissances signataires du traité de Paris, pour compléter leur œuvre de justice et de civilisation, missent toute propriété particulière inoffensive, sans exception des navires marchands, « sous la protection du droit maritime, à l’abri des attaques des croiseurs de guerre. » Bientôt, en Angleterre même, beaucoup de gens commencèrent à trouver que les États-Unis avaient vu clair et bien raisonné : à la pétition des négocians de Liverpool, Bristol, Manchester, Leeds, Hull, Belfast, Glocester succédèrent, en mars 1862, la motion du député Harsfall ; en février 1866, la résolution des délégués des chambres de commerce anglaises ; en mars 1866, la nouvelle motion du député Gregory, qui réclamaient l’abolition du droit de prise. Vers la même époque (21 juin 1865), l’Italie avait inscrit dans son « code de la marine marchande » l’inviolabilité de ! la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi. Pendant la guerre de 1866, elle n’eut qu’à exécuter cette prescription de son droit public interne pour répondre à l’initiative de l’Autriche et de la Prusse, qui renonçaient formellement à leur droit d’amener et de saisir les navires marchands. Mais, au demeurant, la convention de 1866 est unique, et M. de Boeck, tout en déclarant « qu’elle ne peut manquer d’exercer une heureuse influence, » est forcé de reconnaître que « le précédent aurait plus d’autorité si les trois puissances engagées dans cette guerre avaient été trois grandes puissances maritimes. » La France refusa d’abandonner l’ancienne pratique en 1870 ; un membre du cabinet britannique s’en fit l’apologiste ardent, en 1877, à la Chambre des communes. Quoi que puisse espérer le jeune et savant publiciste a de l’activité dévorante et de l’élan de la pensée contemporaine, » la réforme n’est pas faite, elle est à faire.

Mais s’il existe au-dessus du droit des gens conventionnel un droit des gens idéal, dont se rapprochent incessamment les nations