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naturel, c’est même l’enfant adultérin. « A l’enfant le plus faible le plus de droit dans la famille, et si la famille manque, le plus de droit dans la société. » C’était le droit divin, tout à l’heure, qui, chassé de partout ailleurs, reparaissait où sans doute on l’eût moins attendu que nulle part ; c’est le privilège aristocratique, maintenant, que l’on nous propose de rétablir au profit de l’enfant né hors mariage. Et l’union libre, aux yeux de nos réformateurs, probablement parce qu’ils estiment qu’elle en a quelquefois les inconvéniens, ou de pires, ne se distingue plus de l’union conjugale. Je dirais qu’ils sont logiques, si c’était un argument, et si je ne savais pas combien souvent la logique doit fléchir, et sacrifier aux exigences de la réalité la beauté de ses déductions. Je dirai. seulement qu’ils nous montrent, en outrant le principe et le poussant à ses dernières conséquences, le danger caché qu’il pourrait avoir, et qu’ainsi dans leur genre ils sont des espèces de précurseurs, — et cela les flattera.


VII

Est-ce à dire pourtant qu’il n’y aurait rien à faire ? Bien loin de là ! Rien en ce monde n’est si parfait qu’il n’y reste toujours et beaucoup à faire. Et quand nous voyons tant d’esprits si divers, et si diversement généreux, s’accorder unanimement à demander que l’on fasse quelque chose, nous sommes de ceux qui croient que cela seul est un signe qu’il y a quelque chose à faire. C’est un premier point où nous nous rencontrons avec M. Dumas. En voici un second. C’est que, malgré l’habitude qui s’est invétérée chez nous d’en plaisanter, et quelquefois très agréablement, « la morale, la justice, la conscience, le droit, le devoir, la famille, l’ordre public, la patrie, la douleur, la maladie, la faim, le bien, le mal, la vie et la mort sont choses sérieuses pour chacun et pour tous, » et, par suite, ont le droit d’être, quelquefois aussi, traitées sérieusement. Nous avons reconnu d’ailleurs avec lui qu’indépendamment du danger social qu’ils peuvent constituer, il y avait des filles mères et des enfans naturels vraiment dignes d’intérêt. Mais nous demandons seulement qu’en essayant de subvenir à ce que leur situation a si souvent de cruel, on fasse attention à ne rien proposer en faveur des enfans naturels qui risque de porter, indirectement ou directement, atteinte aux droits supérieurs des enfans légitimes, ni rien en faveur des filles mères qui risque de diminuer la dignité morale et sociale du mariage. Il faut que les enfans prennent leur part de la faute de ceux qui les ont mis au monde, comme ils savent bien la prendre du patrimoine d’honneur que leur a légué la famille, et il ne faut pas