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seconde de ces deux villes, et le maire lui présenta dans une boîte d’or le diplôme de citoyen de New-York.

Il était à Baltimore lorsqu’on apprit le dépôt du rapport de Lacock au sénat. Le jour où la nouvelle en fut reçue, il assistait à un grand banquet ; un toast lui fut porté dans les termes suivans : « Au général Jackson, qui, comme le guerrier carthaginois, a franchi, malgré la défense qu’il avait reçue, la frontière de l’ennemi pour aller se mesurer avec lui, et qui, comme Annibal, vainqueur sur le champ de bataille, a été comme lui attaqué dans le sénat. »

« Ce que j’ai fait, répondit le général, je l’ai fait pour mon pays. Comme ma première pensée a toujours été de travailler à notre prospérité et à notre bonheur, rien ne m’est plus doux que de recevoir l’approbation de mes concitoyens. C’est la plus noble récompense pour un soldat. On ne s’est pas borné à attaquer mes actes publics, on a également attaqué ma réputation privée. On m’a accusé d’avoir obéi à de viles préoccupations d’intérêt personnel en occupant la Floride. Je rougis de répondre à de telles accusations. Elles sont aussi abjectes qu’absurdes et n’ont pu naître que dans des esprits étrangers à toutes les vertus humaines. Je ne crains pas que mon pays me refuse justice. Et maintenant je vous propose un toast aux 12 et 13 septembre 1814, aux jours où des hommes libres ont vaincu les vainqueurs de l’Europe et, sous la noble bannière semée d’étoiles, ont sauvé Baltimore des horreurs de l’incendie. »

Les négociations pour la cession de la Floride avaient sur ces entrefaites repris leurs cours. L’Espagne en consentit l’abandon moyennant une indemnité de 5 millions de dollars, qui devait être employée à désintéresser les citoyens des États-Unis auxquels la marine espagnole avait causé un préjudice par des prises indûment opérées pendant la guerre. Le traité signé dès 1810 par J. quincy Adams et don Luis de Oñis ne fut ratifié à Madrid que dans les derniers mois de l’année suivante. Au mois de février 1821, la Floride fut organisée en territoire, et Jackson en fut nommé gouverneur. Il était investi de pouvoirs extraordinaires assez mal définis, mais il se considérait comme autorisé par ses instructions à exercer la plus grande partie des attributions qui avaient précédemment appartenu au capitaine-général de Cuba et au gouverneur de la Floride.

Il partit pour Pensacola, accompagné de sa femme, dont une curieuse correspondance, publiée par M. Parton, nous a conservé les impressions. La jeune femme enjouée et sémillante qui avait jadis éveillé par la liberté de ses allures l’inquiète jalousie de son premier mari était devenue une austère matrone puritaine, dont la