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au président une très vive sympathie. La vie de ce dernier était simple et laborieuse; dès quatre heures du matin, il préludait par la lecture de la Bible aux travaux de la journée, et ces travaux, à peine interrompus par une promenade à cheval ou en été par un bain dans le Potomac, se prolongeaient souvent jusqu’à une heure avancée de la nuit. Ses mœurs austères, son attitude froide et réservée n’attiraient pas la popularité, mais commandaient le respect. Sa connaissance approfondie des affaires publiques et son expérience diplomatique lui donnaient dans les discussions du cabinet une autorité qu’ont rarement possédée ses successeurs. Il fut, pour bien longtemps du moins, suivant la remarque d’un savant et judicieux historien[1], le dernier homme d’état auquel le suffrage de ses concitoyens ait ouvert les portes de la Maison-Blanche.

L’effort de tant de patriotisme et de lumières vint malheureusement se briser contre une opposition systématique et obstinée. Dès le début de sa présidence, Adams avait rencontré le mauvais vouloir d’une minorité compacte ; bientôt il se trouva, pour la première fois, depuis la fondation de la république, en face d’une majorité hostile dans les deux chambres. Son administration fut, dès lors, presque constamment paralysée, et il fut aisé de prévoir que la nouvelle élection présidentielle consacrerait le triomphe de ses adversaires.

Jackson avait tout mis en œuvre pour préparer ce résultat. Le caucus, que nul n’avait tenté de ressusciter, avait fait place à une savante et formidable organisation de parti imitée de celle qu’avait créée dans l’état de New-York le plus habile et le plus séduisant des politiciens, Martin van Buren. Ce dernier s’était fait l’aide-de-camp de Jackson dans la campagne qui venait de s’ouvrir; sous son impulsion et sous celle du fidèle ami de Jackson, le major Lewis, passé maître dans la stratégie électorale, des comités s’étaient formés de toutes parts ; des souscriptions avaient été ouvertes dans tous les états de l’Union; une légion de journaux, parmi lesquels figurait au premier rang le Telegraph, rédigé à Washington par le général Duff Green, ouvrait contre l’ennemi le feu roulant d’une ardente et impitoyable polémique. Le parti démocratique avait son armée et son budget. Il ne négligeait rien de ce qui pouvait frapper l’imagination populaire. Invité par la législature de la Louisiane à venir célébrer, le 8 janvier 1828, l’anniversaire de la victoire de la Nouvelle-Orléans, Jackson s’y rendit en triomphateur. Le bateau qui le portait descendit le Mississipi depuis Natchez, au milieu des

  1. Dr von Holst, Verfassungsgeschichte der Vereinigten Staaten von America. Berlin, 1878.