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aux traités de 1815 ? Comment se fait-il que le second empire, lequel, tout détestable qu’il fût, n’en était pas moins une monarchie, ait trouvé le moyen de renchérir sur les traités de 1815? d’enserrer note pays dans une ceinture d’états militaires qui compriment tous ses mouvemens, de le pousser aux désastres dans lesquels il a failli s’abîmer en 1870 ? L’histoire de notre que, monarchie ou république, tout gouvernement capable de se laisser entraîner à des faiblesses coupables ou à des aventures insensées aboutit à des catastrophes. Il serait trop commode, en vérité, de mettre sur le compte d’une constitution les malheurs produits par la conduite des hommes. C’est trop d’indulgence envers les républicains qui ont aggravé les infortunes de la France et augmenté ses pertes : ce sont bien eux qui sont les auteurs du mal : en accuser la république est aussi injuste que si l’on attribuait à la monarchie toutes les chutes et toutes les hontes du règne de Louis XV.

Il reste néanmoins à savoir si ce qui n’est pas vrai d’une manière absolue ne le serait point d’une manière relative ; si la république, par sa nature, ne rendrait point les fautes des hommes plus faciles à commettre et plus difficiles à réparer lorsqu’elles sont commises. Cette opinion a pour elle l’autorité d’un politique qui tient aujourd’hui trop de place dans le monde pour que ses jugemens soient rejetés sans examen. On se rappelle sans doute en quels termes M. de Bismarck parlait de la république dans ces fameuses dépêches à M. d’Arnim, dont la publication a été un acte de si parfaite impertinence envers notre gouvernement et envers nous. Répondant à un ambassadeur qui croyait bien faire en favorisant le rétablissement de la monarchie dans notre pays, il lui expliquait avec la brutalité de franchise que l’on sait combien il désapprouvait sa conduite. A son avis, le maintien de la république en France étant la plus sûre garantie de notre affaiblissement perpétuel, tous nos ennemis devaient désirer ardemment qu’elle ne fut point détruite. Tant que nous serions en république, il affirmait que nous resterions isolés, que nous n’aurions point d’alliés, que nous nous anéantirions nous-mêmes dans des querelles intestines, que nous laisserions périr tous nos intérêts extérieurs, et que, sans avoir besoin de nous combattre, on pourrait nous considérer comme vaincus. Les événemens n’ont point justifié d’abord ces sinistres prévisions ; mais il faut convenir qu’aujourd’hui ils semblent, dans une certaine mesure, leur donner raison. Je montrerai tout à l’heure qu’il n’en est rien, et que si la république a réalisé les espérances de M. de Bismarck, c’est qu’elle a eu le malheur de tomber entre les mains de politiques ignorans et versatiles, comme il aurait pu parfaitement s’en rencontrer sous une monarchie. Mais il est essentiel, quelque tristesse qu’un républicain puisse éprouver à le faire, de bien marquer