Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/674

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cet azur, ce lilas, à la fois si riches et si fugitifs? Cependant cette difficulté a été surmontée, et c’est un de nos compatriotes qui a remporté la palme. D’après M. Nordenskiôtd, juge très compétent en pareille matière, les planches qui accompagnent la relation du voyage de la Recherche sont exécutées « de main de maître, » et le savant suédois déclare que l’habitant de l’Europe méridionale qui n’a jamais vu d’aurore pourra se faire une idée très exacte de l’aspect du phénomène eu examinant ces belles illustrations.


II.

L’aurore boréale était parfaitement connue des anciens. Les Grecs, peuple a l’imagination riante, cherchant partout des symboles gracieux, croyaient apercevoir avec elle les dieux de l’Olympe tenant conseil au milieu du ciel embrasé. Au contraire, les Romains, avec leur crainte incessante des présages funestes, en avaient peur : les diverses variétés du météore qui nous occupe, et probablement d’autres apparitions comme des bolides, etc., avaient été savamment classées suivant leur forme, leur position, leur grandeur. Laissant de côté cette énumération inutile, contentons-nous de noter que Pline, après Aristote et Sénèque, parle d’incendies célestes qui teignent le firmament en rouge de sang, de poutres lumineuses, d’ouvertures béantes dans la voûte étoilée, de lueurs fantastiques qui changent la nuit en jour; il n’a garde d’omettre les événemens politiques qui ont pu accompagner ces manifestations, sans toutefois affirmer que celles-ci fussent la cause des catastrophes qui les ont accompagnées ou suivies.

Aux époques troublées de l’antiquité et du moyen âge, en temps de guerre, de famine ou d’épidémie, dès qu’une aurore boréale se montre, le sentiment unique est la frayeur, et l’on croit voir dans le ciel des fleuves de sang, des armées qui s’entre-choquent, des fantassins et des cavaliers qui se livrent des combats mystérieux. Ces terreurs qui semblent être propres aux siècles passés, bien des gens du peuple, bien des paysans, et peut-être aussi quelques-uns de nos lecteurs les ont éprouvées, lors de l’apparition de la belle aurore qui illumina le nord, vers la fin de la guerre de 1870. Aujourd’hui pourtant semblable phénomène ne provoquerait que la curiosité des uns, et laisserait les masses à peu près indifférentes.

Un millier d’années après Grégoire de Tours, qui donna au météore le nom qu’il porte encore aujourd’hui, le Provençal Gassendi, le premier, examine avec des yeux de savant et le baptise définitivement (12 septembre 1621). Les termes de « lumière polaire, » de « lumière du nord, » bien que proposés par divers physiciens,