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montrer pour n’apparaître de nouveau qu’au bout de plusieurs siècles, la matière lumineuse ayant eu le temps de se reformer. On croyait avoir constaté que les années sèches étaient des années à maxima d’aurores; or il semblait naturel que l’humidité empêchât les exhalaisons. Où essayait même, sans y réussir, bien entendu, de déterminer la nature de la substance qui luisait ainsi dans l’espace en étudiant les propriétés des divers phosphores récemment découverts. Déjà auparavant on avait cru pouvoir expliquer les aurores boréales par la fermentation de grossières exhalaisons terrestres chassées vers le pôle et finissant par prendre feu.

Quant à Mairan, au contraire, dont le Traité physique et historique de l’aurore boréale parut en 1733, la lecture de son livre, après cent cinquante ans, demeure encore indispensable à quiconque aujourd’hui vent étudier le météore. Rejetant non-seulement les idées que nous avons exposées ci-dessus, mais aussi l’hypothèse bizarre des rayons solaires réfléchis par les glaces du pôle et renvoyés de nouveau vers l’observateur par la surface concave des couches atmosphériques supérieures, il eut recours à la lumière zodiacale observée par Cassini quelque cinquante ans auparavant, La lumière zodiacale, dont l’éclat est faible et qui n’est pas souvent visible dans nos climats[1], constitue une sorte de cône lumineux aux contours assez vagues apparaissant vers l’ouest après le coucher du soleil en mars, ou du côté de l’orient en septembre, avant le lever de cet astre. Sa nature a fait l’objet de plusieurs hypothèses, mais, presque toujours, on l’a considérée comme étant une sorte d’appendice du soleil. Les uns ont admis l’existence d’un anneau concentrique à celui-ci et l’entourant sans le toucher. D’autres, et Mairan parmi eux, en ont fait un prolongement de l’atmosphère solaire principalement accumulé dans le plan de l’écliptique ou dans celui de l’équateur de l’astre (ce qui revient à peu près au même) et dépassant l’orbite de Vénus. Au reste, les deux suppositions concordent également bien avec la forme lenticulaire présentée par la lumière zodiacale[2]. Malheureusement l’hypothèse de Mairan est impossible à admettre, car une atmosphère solaire qui s’étendrait jusqu’à la terre serait bien vite dissipée à cause de l’énorme force centrifuge développée par la rotation de l’astre central.

  1. Dans le voisinage des grandes villes notamment, la lueur des becs de gaz masque le phénomène. Au reste, sous les tropiques où le crépuscule est bien plus court que dans les régions tempérées, on distingue bien mieux et plus souvent la lumière zodiacale.
  2. On peut voir, pour plus de détails à ce sujet, la dernière édition du Ciel de M. Guillemin.