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aurait besoin d’être votée, comme tout article du budget ; qui pourrait être supprimée, comme elle a été établie, par un vote ; qui, ainsi qu’on l’a vu récemment chez vous, pourrait même à certains jours être suspendue par mesure administrative, par simple décision ministérielle. Et, alors même qu’elle serait scrupuleusement servie, une telle pension consacrerait la dépendance de l’autorité qui consentirait à la toucher. On comprend un clergé national salarié par l’état, comme en France et en Belgique, alors surtout que le clergé est historiquement en droit de regarder son traitement comme une indemnité pour les biens qui lui ont été enlevés ; mais un pape, mais le chef de l’église universelle, salarié par un roi ou un parlement, émargeant chaque année au budget d’une puissance avec laquelle, en dehors même des questions découlant de sa résidence en Italie, il peut avoir maintes difficultés à régler, cela ne se conçoit plus. À de pareilles offres, à une position aussi humiliante pour le saint-siège et pour les catholiques, on comprend que Léon XIII, de même que Pie IX, ait préféré les libres et incertaines contributions des fidèles. Tout catholique, qui tient à l’honneur de la chaire de Saint-Pierre doit savoir gré au pape dépossédé de n’avoir rien accepté de la maigre rente que lui offraient les envahisseurs de ses états. »

Certes cela se comprend ; ni Pie IX ni Léon XIII ne pouvaient décemment toucher la précaire liste civile que leur alloue la loi de 1871, « Mais, répondais-je à mon savant interlocuteur, si la monarchie unitaire n’a pas laissé au pape, lequel, du reste, n’en vivait pas directement, les riches et séculaires prébendes du clergé romain, elle lui a du moins solennellement reconnu la propriété de ses palais et de ses basiliques, la propriété du Vatican et du Latran, sans compter la modeste villa de Castel-Gandolfo. » — « Et ces palais, le Vatican, le Latran, Saint-Pierre de Rome, l’héritage historique de la papauté à travers dix-huit siècles, un fils de la maison de Savoie pouvait-il décemment en frustrer le saint-siège ? Ses palais, ses églises, les lui a-t-on, du reste, tous laissés ? Loin de là. Sur les églises, sur les basiliques tant de fois rebâties par la papauté et pour la plupart restaurées par Pie IX lui-même, sur les cimetières souterrains et les tombes des martyrs, sur les catacombes creusées sous la direction des évêques de Rome et naguère découvertes et rouvertes par ses soins, le pape n’a aucun droit légal. Quant aux palais, les papes avaient dans Rome, en dehors du Latran, qui n’est, depuis des générations, qu’un musée, deux grands palais entièrement bâtis de leurs deniers, où ils demeuraient tour à tour, et plus souvent peut-être dans le second que dans le premier : le Vatican et le Quirinal, De ces deux maisons de ville de la papauté, la nouvelle monarchie a pris pour elle la plus moderne et la plus saine, celle où se réunissaient d’ordinaire les conclaves, celle où