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de lui en attribuer la souveraineté. Le parlement était pour cela trop désireux d’effacer tout vestige de la longue domination temporelle des papes. Aux yeux de la loi, le Vatican, considéré comme un palais national, est devenu partie intégrante du royaume. De là, dans la pratique, de récentes difficultés, spécialement pour la justice, de nouveaux différends entre la curie et le gouvernement civil. Il s’est, à cet égard, produit entre le Vatican et les tribunaux du royaume un conflit sur lequel il n’est pas inutile d’attirer l’attention, car c’était peut-être la première fois que la loi des garanties se trouvait en cause devant les juges italiens.


IV.

Un motu proprio de Léon XIII a, en mai 1882, érigé dans l’intérieur du Vatican des tribunaux chargés de juger les contestations qui peuvent s’élever entre les diverses administrations papales ou entre ces administrations et leurs employés. L’un de ces derniers, refusant d’accepter cette nouvelle juridiction, a prétendu imposer aux autorités vaticanes celle des tribunaux du royaume. L’affaire était en elle-même de peu d’importance : il s’agissait d’un vulgaire règlement de comptes entre la maison du pape et un certain Martinucci, architecte au service du Vatican, congédié en mars 1879. Léon XIII lui avait, en 1880, accordé une pension pour sa mère; mais cela ne suffisait pas à Martinucci; il réclamait de la maison pontificale quinze mille et quelques cents francs pour avoir instruit et dirigé les pompiers du Vatican, et 17,875 francs pour travaux exécutés à l’occasion du conclave de 1878. Ne pouvant faire reconnaître cette double prétention, il se décida, en juillet 1882, à recourir à la justice italienne. Le cardinal-secrétaire d’état, Mgr Jacobini, comme administrateur des biens du saint-siège, et Mgr Theodoli, préfet du palais apostolique et majordome de sa sainteté, se virent cités devant le tribunal civil de Rome. Le préfet du sacré-palais fit plaider l’incompétence des juges italiens. Le tribunal se déclara compétent, mais il n’usa des droits qu’il se reconnaissait que pour débouter Martinucci de sa demande. L’ancien architecte ayant appelé de ce jugement, le même jeu se répéta devant la cour d’appel, le majordome pontifical contestant de nouveau la compétence des juges du royaume, et, de nouveau, la cour, en retenant l’affaire, condamnant l’imprudent qui l’avait soulevée. De cette façon, les tribunaux de Rome semblaient tout concilier et éviter toute difficulté. S’ils méconnaissaient le motu proprio de mai 1882, ils avaient soin de ne donner tort à la maison pontificale sur la question de droit qu’en lui donnant raison sur la question de fait. Pour n’être pas obligée de faire comparaître les prélats romains, pour n’avoir pas à examiner