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garanties légales, ne veulent voir qu’une hypocrite fiction destinée à faire illusion aux catholiques du dehors.

Que reste-t-il de cette sentence d’hier? Rien, si ce n’est un précédent incommode pour ceux dont il semble favoriser les prétentions, et un argument de plus pour les résistances du Vatican et pour les ennemis de l’unité italienne. Les magistrats de Rome n’ayant pas osé appliquer leur propre doctrine, l’affaire Martinucci, en dépit des tribunaux de la capitale, a été en réalité tranchée au dedans du Vatican, conformément aux règles posées par Léon XIII. Lorsque, chose à la longue impossible à éviter, des difficultés analogues seront de nouveau soulevées dans le palais apostolique, il est peu vraisemblable que les intéressés aient la naïveté d’imiter Martinucci, qu’ils recourent aux tribunaux du royaume pour avoir la satisfaction d’entendre les juges italiens proclamer leur compétence en condamnant les sujets du roi qui les auront crus compétens. De fait, il en est du motu proprio de Léon XIII comme de l’affaire de son majordome, Mgr Theodoli. Pour avoir refusé de reconnaître la nouvelle juridiction pontificale, les tribunaux de Rome ne lui ont pas moins pratiquement abandonné le jugement effectif des affaires pour lesquelles cette juridiction a été instituée. Le droit que la justice italienne a cru lui devoir refuser, le souverain pontife l’exerce à sa face, et le gouvernement royal est trop avisé pour lui en contester en fait l’exercice. Le Vatican garde ses tribunaux indépendans, et ces tribunaux ne sauraient disparaître que le jour où la résidence du vicaire du Christ cesserait d’être inviolable, c’est-à-dire le jour où serait publiquement déchirée la loi des garanties.

La juridiction instituée par le motu proprio du 25 mai 1882 est, qu’on le remarque bien, essentiellement administrative; elle ne s’étend qu’aux questions soulevées par le fonctionnement régulier des administrations papales, questions que le saint-siège ne saurait abandonner aux tribunaux du royaume sans leur soumettre toute l’organisation de l’église romaine et de ses organes séculaires, toute la discipline intérieure, toutes les constitutions, toute l’économie de ses divers services, par suite sans aliéner l’indépendance que les lois italiennes prétendent lui conserver, sans sacrifier la liberté assurée au saint-père dans ses ministres autant que dans sa propre personne. Par l’érection de ces nouveaux tribunaux pour juger le contentieux administratif du Vatican, Léon XIII, ou mieux le pontife romain, a, pour la première fois depuis 1870, fait acte de souverain; mais il ne l’a fait, nous semble-t-il, que dans la mesure où il y était contraint par les nécessités indéniables de l’église; bien plus, il ne l’a fait que dans une mesure compatible avec les lois italiennes elles-mêmes. « Le souverain pontife, dit une réponse du Vatican à la sentence de la cour d’appel de Rome, tout