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la science; je voudrais ajouter : Jugez par là des autres! la logique le permet, la vérité s’y refuse. Les derniers élèves d’une école savante qui s’est ouverte pour eux après de difficiles épreuves, ne sont pas les moins méritans ; dans ce concours sans répit ni trêve, ceux qui renoncent à la lutte y auraient fait souvent très honorable figure.

J’assistais un jour à la réunion du jury qui décide du sort des fruits secs repoussés des services publics. Sur la liste des victimes, à mon grand étonnement, je rencontrai le nom d’un jeune homme que l’opinion de ses camarades plaçait, je le savais, au premier rang. J’alléguai, pour le défendre, ses brillans examens d’admission, l’estime de ses premiers maîtres et des notes excellentes, de date déjà ancienne. Mon discours produisit un effet déplorable. « Il aurait pu être notre meilleur élève, s’écria un éminent ingénieur, et par sa paresse il est le dernier ! Je le déclare indigne d’indulgence. » Telle fut effectivement l’opinion du conseil, et le jeune homme dut quitter l’école. Plus d’un jury moins sévère a laissé passer, pour recruter l’artillerie de marine, quelques-uns de ces paresseux de la vingtième année, non moins riches d’avenir et plus habilement défendus.

Les recherches sur la force de la poudre inspirées par M. Deprez resteront mémorables dans l’histoire de ce problème, toujours à l’étude. Elles méritent plus qu’une simple mention. La route à parcourir était longue; Tartaglia croyait y faire un premier pas en démontrant que la trajectoire est une ligne courbe. « Une pierre qu’on lance, disait-il, décrit une courbe que chacun peut voir; le boulet, personne n’en peut douter, finit par retomber sur la terre, et la trajectoire, pour l’y ramener, se courbe nécessairement tôt ou tard. Cette courbure, ajoute-t-il, est immédiate, elle commence dès la sortie de la pièce.» Voici comme il argumente : « Plus la vitesse est grande et plus on est rapproché du point de départ, moins la courbure doit être sensible ; cela peut être admis comme un axiome. Où trouver place alors pour une portion de ligne droite? En accroissant la vitesse ou en se plaçant plus près de la pièce, ou devrait, d’après l’axiome admis, obtenir une route moins courbée ; or rien n’est moins courbé qu’une ligne droite, et l’hypothèse est contradictoire. » L’assertion n’est pas fausse; mais, ingénieux ou non, un sophisme est toujours stérile. Pour découvrir la forme parabolique, Galilée avait tout à inventer. Le grand italien négligeait la résistance de l’air, sans en ignorer l’influence. L’architecte ingénieur Blondel, ami des problèmes faciles, ne rencontrait dans l’Art de jeter des bombes qu’une application des propriétés de la troisième section conique. La théorie restait éloignée de la pratique