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seconde, cent en dix secondes, mille en cent secondes; on diminuait la résistance, on la supprimait même, sans obtenir le plus faible écart. Un organe invisible maîtrisait la vitesse. Le courant, dit-il, traverse un ressort tournant; la force centrifuge, en le relevant, supprime la force motrice pour la rétablir instantanément, voilà tout le secret. «Le courant ! Il y a un courant! » s’écria un représentant respecté de la mécanique. La solution ne l’intéressait plus. L’intervention de l’électricité lui était suspecte d’escamotage. Ces forces qui naissent à volonté disparaissent, changent de sens au premier signe, donnent au physicien trop beau jeu; une rotation se communique sans engrenages et sans courroies, est renversée sans embrayage, se ralentit sans frein; on ne reconnaît plus la mécanique. Semblable était, au commencement de ce siècle, la mauvaise humeur des vieux joueurs de billard, lorsque, battus par des adversaires novices initiés aux effets de queue, ils voyaient de leurs yeux réussir des coups impossibles. On s’habitue à tout, l’électricité est en grand crédit ; les mécaniciens l’étudient et l’emploient comme ils ont étudié et employé la vapeur, comme Bayard autrefois, tout en regrettant les beaux coups de lance, s’est résigné à faire parler la poudre.

Qui pourrait définir un courant? Un fil métallique, en réunissant les deux pôles. d’une pile, devient l’instrument des merveilles que ce nom résume et rappelle. Les courans, c’est ainsi qu’on les nomme sans décider qu’aucun fluide y circule, s’attirent ou se repoussent, attirent ou repoussent les aimans, les font naître, produisent les températures les plus hautes et la lumière la plus éclatante, et sont enfin l’agent des dépôts galvanoplastiques. Chacun de ces effets s’accroît avec l’intensité du courant, à laquelle il pourrait servir de mesure. Si, cependant, pour connaître un courant, on s’informait de l’intensité seule, la déception serait dangereuse. La tension aussi joue un rôle; c’est elle qui détermine l’énergie du choc auquel on s’expose en le touchant. Un courant de faible intensité peut avoir une grande tension; un autre, d’intensité cent fois plus grande, une tension très petite. Le premier tuera un bœuf en faisant dévier de quelques degrés à peine l’aiguille du galvanomètre qui mesure l’intensité, et l’autre fera faire à l’aiguille plusieurs tours de cadran, sans pouvoir étourdir une souris. On pourrait classer et définir les tensions en disant quelle sorte d’animaux peuvent être foudroyés. Les physiciens emploient d’autres mesures. L’unité de tension est le volt et l’unité d’intensité l’ampère. L’intensité, pour chaque courant, est la même en tous ses points ; la tension, au contraire, varie d’un point à l’autre; si elle était constante, il n’y aurait pas de courant. On peut, en suivant une image suggérée par le nom lui-même,