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VI.

Lorsque M. Hase, conservateur des manuscrits à la Bibliothèque nationale, faisait à un curieux de science médiocre les honneurs des richesses confiées à sa garde, il choisissait et ne variait guère. Après avoir montré une tragédie de La Fontaine (inédite, je crois) et interrompu sa lecture au troisième vers, pour s’écrier avec finesse :


Ne forçons pas notre talent,
Nous ne ferions rien avec grâce,


il passait aux albums du bon roi René. René, s’il faut en croire ce philologue érudit qui savait tout, aimait passionnément les fêtes, les troupes de belles dames richement parées, les cavalcades, les chasses au faucon et, en toutes choses, le faste d’un grand prince. Trop pauvre dans son royaume de Provence pour s’entourer de tant de splendeurs, le bon roi les tournait en peinture. L’album du roi René est la confidence de ses rêves. M. Deprez. comme le roi René, a fait de beaux rêves, que les circonstances souvent n’ont pas permis de réaliser. Malheureusement il écrit peu, les projets restent dans sa tête ; il les dessine sur des feuilles volantes et les rédige avec paresse à ses momens perdus, qui sont rares.

J’ai eu, depuis dix ans, bien souvent le plaisir de causer avec lui, jamais sans qu’il m’ait fait part de quelque conception qui, invraisemblable souvent par sa hardiesse, devenait après ses explications très plausible et très simple. Tels devaient être, dans le passé, — non pas que les caractères se ressemblent, — J.-B. Porta, l’ingénieux inventeur de la chambre obscure, et Robert Hooke, si souvent et si injustement maltraité par les admirateurs du grand Newton, dont l’imprudent s’est cru le rival. Hooke et Porta ont laissé dans leurs livres le germe d’innombrables inventions qui, jugées incroyables et impossibles d’abord, éclosent et mûrissent, de loin en loin, dans le cerveau de quelque inventeur, dont elles font la gloire.

M. Deprez n’écrira rien, mais il est jeune et actif, sait mener de front plusieurs travaux; on peut espérer que, reprenant ses plus heureuses idées, il ne laissera à aucun autre l’honneur et le soin de les dégager de leur gangue.

J’énumère en abrégeant; l’article sans cela dépasserait toute limite.

Les erreurs personnelles désespèrent les astronomes; leurs yeux