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En tout cas, ce n’est probablement pas, comme on l’a cru si longtemps, un ver à soie dont la riche toison venait sur les rives du Phase s’échanger contre les marchandises de l’Occident.

La soie est d’autant plus utile aux Chinois qu’ils possèdent pour la teindre un plus grand nombre de matières. Indépendamment des substances minérales, d’ailleurs presque exclusivement réservées aux peintres et aux dessinateurs, le nombre et la valeur des principes colorans qu’ils ont pu extraire du règne végétal sont d’une importance extrême. Ils lui ont même demandé des mordans. Ils retirent d’un arbrisseau, leur kou-chou, probablement le Rhus sinensis, un fait dans lequel on trempe le pinceau pour dessiner des enluminures ; aussitôt le dessin tracé, on applique sur la page une feuille d’or, qui se fixe sur les lignes imprégnées de ce lait. Les Chinois, qui ont tous les cheveux noirs, savent aussi teindre les cheveux des Européens qu’ils veulent déguiser ; des néophytes l’ont fait, à ce que l’on rapporte, pour leurs prêtres chrétiens, à l’aide d’un procédé étrange qui consiste à avaler pendant un mois ou six semaines un breuvage composé de sucs végétaux.

Les couleurs de teinture ordinaires ont été étudiées dans un mémoire spécial par M. O. Debeaux, qui accompagna, il y a déjà près de vingt ans, notre corps expéditionnaire en Chine, comme pharmacien-major. Ces couleurs sont le bleu, le vert, le gris, le noir, le rouge et le jaune. Le bleu est obtenu sur une large échelle agricole, de l’indigo dans le Midi, et dans le Nord du Polygonum tinctorium, dont les larges feuilles et les épis rouges ornent nos plates-bandes. Le vert est fourni par le lo kao, c’est-à-dire par deux arbustes voisins de notre Nerprun, qui ont fourni à M. Natalis Rondot les élémens de recherches spéciales et qu’on a pu voir vivans en 1858 et 1859, à Lyon, dont la chambre de commerce s’était vivement intéressée à ce procédé, et à Blanquefort, près de Bordeaux, chez M. Delisse. Le gris est obtenu par des noix de galle recueillies sur diverses plantes ; pour la teinture en noir, le suc de ces galles est combiné avec celui de l’indigo ou avec des solutions ferrugineuses. Le rouge, une couleur officielle dans les cérémonies, est tiré de la Garance, du Carthame, des racines du Touniefortia argusina, Borraginée voisine de nos Héliotropes, qui émaille de ses fleurs les champs des environs de Pékin. Le jaune enfin est la nuance la plus importante ; on le demande non-seulement à la racine du Curcuma, mais encore à l’écorce bouillie du Pterocarpus flacus, aux fruits orangés du Gardénia radicans, aux fleurs du Sophora, à la gomme-gutte, à un Réséda, aux fleurs du safran. Le Curcuma seul donne le kiang-hoang, c’est à-dire le jaune impérial, Nous avons vu