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sous des tentures de plumes. Ces plumes étaient tantôt jaunes, bleues, arrachées à l’aile d’un oiseau très rare, le xeuhtototl, d’autres fois rouges ou blanches. Les rois de Tezcuco n’étaient pas moins magnifiques. Ixtlilxochitl, leur historien et leur descendant, nous a conservé la description des palais qu’ils avaient érigés, des jardins, des lacs qu’ils avaient créés à grands frais, de l’aménagement des forêts réservées à leurs chasses. Il énumère les villes et les provinces chargées du service royal : les unes devaient fournir le nombre d’hommes nécessaires pour l’entretien des palais, les autres les serviteurs attachés à la personne du monarque, d’autres encore les jardiniers, les forestiers ou les laboureurs. Si quelques-uns de ces détails peuvent paraître exagérés, les édifices encore debout restent des témoins irrécusables. De véritables villes, dont les ruines couvrent des superficies considérables ont existé dans toute l’Amérique centrale. A chaque pas, le voyageur ou l’archéologue sont arrêtés par des montagnes de décombres, des colonnes renversées, des sculptures brisées, derniers restes de monumens que l’homme se figurait édifier à jamais. Qui ne sait aujourd’hui les noms de Copan, de Mitla, de Palenque, de Chichen-Itza[1]? D’autres villes encore inconnues existaient dans des régions restées inexplorées. Il y a quelques mois à peine, M. Charnay, après une marche pénible et dangereuse, découvrait sur la rive gauche de l’Usumacinta, les ruines d’une de ces villes à laquelle il a donné le nom de Lorillard City[2]. Les monumens, temples ou palais, ressemblent ceux de Palenque; comme eux, ils sont érigés sur des monticules naturels ou artificiellement agrandis.

Les constructions massives que l’on remarque au Mexique, comme au Pérou, l’immense largeur des bases, l’inclinaison des parois donnent une tendance pyramidale et comme une apparence de stabilité et de durée qui font forcément penser à l’Egypte. Palenque avec ses palais, Tiaguanuco ou Huanucho-Viejo au Pérou, avec leurs portes monumentales, le petit nombre d’ouvertures en forme de tau, destinées à faire pénétrer la lumière, les murs recouverts d’une peinture rouge éclatante, les figures toujours représentées de profil, ne seraient pas déplacées sur les bords du Nil. Les bas-reliefs de Chichen-Itza ressemblent à ceux de Babylone ou de Ninive ; la richesse de l’ornementation rappelle celle des monumens assyriens. Les méandres des frises de Mitla, de la Casa del Gobernador ou de la Casa de Monjas à Uxmal[3] relèvent de l’art grec. Le portique de Kabah, un aqueduc

  1. Tous ces noms, sauf peut-être le dernier, remontent à la conquête espagnole.
  2. Du nom d’un riche Américain qui avait fait les frais de l’expédition de M. Charnay.
  3. On a calculé que les sculptures de la casa de Monjas couvraient une superficie de 24,000 pieds carrés.