Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous frappe ; nous avons conscience de frapper et d’être frappés sans avoir conscience des intermédiaires. C’est ce qui a lieu aussi dans tous les faits de locomotion : entre le coup de la volonté et la sensation musculaire, il y a un circuit extérieur au moi. Du nombre des pensées et actions « latentes » il faut donc déduire celles qui ne sont latentes que parce qu’elles n’appartiennent pas à la série de nos pensées et de nos actions.

Dira-t-on : — Nous nous souvenons parfois d’une idée non plus, comme tout à l’heure, par l’intermédiaire de mouvemens cérébraux, mais par l’intermédiaire de véritables idées qui échappent pourtant à la conscience, car le raisonnement retrouve ensuite ces idées comme les moyens termes naturels et nécessaires de la série ? — On peut répondre que l’association d’une idée consciente avec une idée inconsciente suppose un rapport improbable entre deux termes hétérogènes ; de plus, une idée inconsciente est une idée dont on n’a pas l’idée. Il est donc plus simple d’expliquer le saut apparent d’une idée à une autre par l’oubli des idées intermédiaires, trop rapides pour avoir laissé une trace distincte. Ces idées faibles et confuses étaient non pas inconscientes, mais accompagnées d’une conscience faible et confuse, incapable de produire par elle-même un souvenir tranché. Là encore, les faits inconsciens peuvent se réduire à des faits de conscience faibles et oubliés. De plus, même en ce cas, on peut admettre que la transition qui semble s’être produite par le moyen d’idées a eu lieu mécaniquement par le moyen des mêmes mouvemens élémentaires qui, s’ils avaient été moins rapides et plus intenses, auraient précisément éveillé telles et telles idées. C’est alors de l’automatisme cérébral.

Il y a aussi des exemples de suggestions d’idées inconscientes jusque dans nos déterminations volontaires. M. Richet hypnotise une femme et, pendant son sommeil artificiel, lui commande de venir le trouver dans huit jours. Au bout de huit jours, elle vient, croyant prendre une décision libre et sans savoir qu’elle obéit à une suggestion inconsciente, à un ordre qui s’est pour ainsi dire imprimé dans son cerveau. Mais ce fait même prouve que le cerveau peut garder trace d’une émotion ou d’une pensée vive avec certaines circonstances de temps et de lieu : une fois arrivé le jour prescrit, cette pensée surgit par un mécanisme mental, et semble nouvelle quand elle n’est qu’une réminiscence.


VI.

En résumé, la part de vérité contenue dans la théorie des « petites perceptions inconscientes, » c’est que les prétendus actes