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LE
RADICALISME ET SES VARIÉTÉS

Les remarquables discours prononcés récemment en Normandie par M. le président du conseil ont produit partout une profonde sensation, et personne ne peut s’en étonner. Les avertissemens aussi nets que courageux qu’il vient d’adresser aux Normands et à toute la Francs avaient un caractère de nouveauté; ils ne ressemblaient guère à ceux qu’on nous a prodigués depuis longtemps. On nous avait dit jadis : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi! » Ou nous a dit depuis : « Chassez les princes, et tout ira bien. » M. Ferry n’a pas craint de nous dire : « Le péril monarchique n’est pas sérieux, e’-la république n’a pas d’autres ennemis à redouter qu’une certaine race de républicains qui compromettent sa bonne renommée, ses relations extérieures, son avenir. »

Jusqu’ici nos ministres s’étaient appliqués à atténuer, à dissimuler autant qu’ils le pouvaient les divergences d’opinions, les dissensions intestines des groupes dont se compose la majorité républicaine, ils se plaisaient à répéter qu’après tout il ne s’agissait que de nuances ou d’une affaire de tempérament, que les républicains avaient, les uns plus de vivacité dans l’imagination, plus de fougue dans le caractère, les autres plus de réflexion et de sang-froid, qu’il y avait dans le parti des sanguins et des lymphatiques, mais qu’au fond tout le monde voulait à peu près la même chose. A la vérité, ceux qu’on traitait de sanguins protestaient énergiquement contre de telles interprétations.