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ont seuls fait tout le mal dont on souffre aujourd’hui et de finir par déclarer que « les drapeaux sont déployés, » que « la question est réellement posée entre la politique gouvernementale et l’autre, la politique intransigeante, » — que désormais « il faut choisir, » Fort bien ! M. le président du conseil ne veut pas être avec les « intransigeans » et il a bien quelque raison : il ne veut ni de leurs systèmes de subversion indéfinie, ni de leurs procédés d’agitation perpétuelle, ni de leur appui ; mais quelle politique a-t-il lui-même à leur opposer ? Quels sont ses moyens et où cherche-t-il les appuis dont il a besoin pour vivre ? C’est évidemment un jeu frivole de traiter les radicaux avec cette véhémence en même temps qu’on est d’intelligence avec eux dans les questions les plus graves, toutes les fois qu’il s’agit ou de leur livrer l’administration, ou de menacer le sénat par la revision, ou d’avilir la magistrature par une prétendue réforme, ou de compromettre les finances publiques par des gaspillages de parti, ou de frapper un instituteur qui enseigne encore le catéchisme. M. Jules Ferry, dans ses discours, parle en ministre qui voudrait être modéré, et d’un autre côté, au même instant, il se plaît à exalter tout ce qui s’est fait depuis plusieurs années contre les modérés, tout ce qu’il a fait lui-même, tout ce qui a conduit le pays à la situation pénible où il est. En d’autres termes, il dit le pour et le contre, il veut et il ne veut pas ; il pulvérise « les intransigeans » et il se garde de désavouer une politique dont tout le secret a consisté à livrer par degrés aux radicaux les plus grandes institutions du pays, à laisser s’infiltrer les influences radicales dans toutes les administrations publiques. Où donc est la vérité ? M. le président du conseil se trompe étrangement s’il se figure qu’il suffit de parler de modération, de mettre deux drapeaux en présence dans un discours ou de représenter l’ordre comme « l’assise fondamentale de l’édifice républicain. » Cet ordre, comment l’entend-il ? Le comprend-il, par exemple, comme M. Paul Bert, qui se dit le chaud défenseur du ministère et qui, aussi bien que M. Jules Ferry, fait de virulentes harangues contre les « intransigeans ? » C’est là une perpétuelle confusion sur laquelle des explications sont évidemment nécessaires.

Il ne faut pas équivoquer en effet. M. Paul Bert, lui a son système qu’il développe avec une brutalité qui voudrait être habile dans ses discours de voyage ou dans les journaux ; il a sa manière de traiter les affaires religieuses, qu’il croit probablement conforme à la politique ministérielle puisqu’il défend cette politique. Il ne veut pas, lui non plus, de la dénonciation du concordat, de la séparation de l’état et de l’église, et sait-on pourquoi il repousse, au moins pour le moment, l’application de ce qu’il appelle « un principe de politique philosophique ? « Oh ! ce n’est pas qu’il aime ou respecte le concordat et qu’il ne soit prêt à signer des deux mains la séparation de l’église et de l’état ;