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dira-t-on, M. Jules Ferry est un homme qui a un bien autre sens politique et qui comprend tout autrement les conditions de gouvernement. Il ne veut pas traiter l’église en ennemi perfide et recourir aux plus indignes subterfuges de l’esprit de secte ; il est pour la paix religieuse comme pour la paix civile. C’est possible, nous voulons bien admettre que l’expérience des grandes affaires lui a été profitable, qu’il a fini par comprendre qu’on ne gouverne pas un pays en violentant sans cesse les consciences ; mais alors il faut s’expliquer et ne pas laisser croire au’on peut accepter une complicité dans les plus étranges interprétations du concordat. Si M. le président du conseil, comme on le dit, comme quelques-uns de ses amis républicains l’en accusent, a eu la prudente pensée de mettre fin à cette persécution puérile et arbitraire de la suppression des traitemens infligée à des prêtres, qu’il ne se contente pas d’accomplir cet acte sans bruit, d’une façon presque clandestine, qu’il ose l’avouer tout haut. S’il veut, comme il l’assure, fonder la république sur l’ordre, qu’il accepte les conditions de l’ordre ; s’il veut rétablir une certaine autorité, une certaine régularité dans la direction des affaires, qu’il prenne la résolution nécessaire de défendre l’administration contre les basses délations, contre l’invasion des influences de parti. C’est pour lui la meilleure manière de se distinguer des radicaux, des « intransigeans » et de ceux qui, en réalité, font cause commune avec les radicaux en prétendant être les plus chauds amis du gouvernement. — Il faut choisir entre deux politiques, a-t-il dit. Rien de plus vrai : que M. le président du conseil ose donc choisir entre la politique qui, depuis quelques années, a mis le trouble dans les affaires morales, dans l’administration, dans l’armée, dans les finances, et la politique qui peut rendre quelque confiance au pays en raffermissant par degrés tout ce qui a été ébranlé.

La première condition pour refaire une bonne politique est de savoir reconnaître le mal partout où il est, de ne pas craindre de voir la vérité, si dure ou si importune qu’elle soit, et la seconde condition est de savoir accepter les remèdes efncaces, fussent-ils quelquefois amers, dût-on avoir à payer la rançon d’un mauvais régime. Assurera snt, depuis quelques années, des fautes singulières ont été commises, notamment dans deux ordres de questions qui vont être, qui sont déjà à l’heure qu’il est l’objet de discussions passionnées, dans les finances et dans les affaires extérieures ; elles ont été commises, en cela comme en tout le reste, par l’imprévoyance des pouvoirs, par l’infatuation des partis, par une sorte d’émulation dans l’abus des ressources, des forces du pays, et il s’agit maintenant de réparer ces fautes si l’on ne veut pas arriver au moment où le mal serait peut-être irrémédiable. Que M. le président du conseil, dans ses discours de gala, se plaise encore à parler de « ce grand programme de travaux publics enfanté dans une heure