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de soixante jours, il finit par gagner la côte d’Arabie. Là il trouva heureusement des navires et put s’embarquer, avec les débris de ses troupes, pour rentrer en Égypte. Dans le cours de cette laborieuse et stérile campagne, Gallus ne perdit que sept hommes par le fer de l’ennemi ; les maladies, la famine, la soif, les marches forcées lui infligèrent des pertes énormes. Gallus était-il du moins arrivé à la terre où naissent les épices ? — al nacimiento de la especeria, diront quinze cents ans plus tard les Espagnols, — Pétronius rapportait-il de l’or de l’Éthiopie ? Le plus clair résultat de la double entreprise, résultat qui, en somme, n’était pas à dédaigner, fut, disons-le sur-le-champ, la perte d’une illusion. L’Arabie n’était autre chose qu’un des chemins de l’Inde ; l’Éthiopie n’avait à offrir que ses éléphans. Si l’on voulait aller chercher les épices au pays qui les produisait, il fallait reprendre sans hésiter la route de Néarque. Ct-st ce que firent bientôt les Alexandrins. Ces Grecs, qui s’étaient peu à peu acclimatés en Égypte, y conservaient l’esprit d’aventure qui jadis avait amenée des côtes de la Thessalie sur les bords du Phase les compagnons de Jason. Ils possédaient de meilleurs vaisseaux que les Sabéens, et ne leur cédaient en rien sous le rapport de l’audace. Auguste vivait encore que Strabon, accompagnant à Syène Ælius Gallus, devenu préfet de l’Égypte, pouvait déjà écrire : « Les flottes des marchands d’Alexandrie arrivent par le Nil et le Golfe-Arabique jusqu’à l’Inde. » — « J’ai vu de mes propres yeux, ajoutait-il, à Myos-Hormos cent vingt vaisseaux qui font régulièrement ce voyage. » Ainsi fut portée jusqu’aux bords inconnus d’où venaient la cannelle et le poivre, la renommée de ce nouveau pouvoir qui convertissait les royaumes en provinces, et rangeait sous ses lois des peuples que n’avait pas même connus Alexandre. Une ambassade indienne vint à Rome : elle était envoyée à Auguste par Pandion, — nom de prince ou nom de pays, l’érudition moderne n’est pas encore bien fixée sur ce point. — Ce Pandion, que d’autres historiens ont appelé Porus, était très probablement un des rajahs de la côte de Malabar. Les vaisseaux qui amenèrent ses ambassadeurs doivent, si nous nous en rapportons aux conjectures toujours fort ingénieuses du docteur Vincent, les avoir débarqués soit dans le Golfe-Persique, soit à l’entrée de la Mer-Rouge, peut-être sur la côte d’Arabie, peut-être encore sur la côte éthiopienne. Les vaisseaux étrangers hésitaient toujours à s’engager dans le golfe, où ils n’avaient guère que la chance de rencontrer constamment des vents contraires. Les députés de Pandion apportaient à Auguste de riches présens ; ils ne paraissent pas avoir apporté de grands secours aux géographes. Strabon, qui écrivit son livre plusieurs années après cette ambassade, se croit encore, au moment où il s’apprête à parler