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règlemens et nos traditions ont été amplement consultés pour l’admission au stage, l’inscription au tableau et l’application des peines disciplinaires. Mais, ainsi que le règlement du Canada, celui du Portugal entre dans de minutieux détails sur la profession. Est-il nécessaire d’aller aussi loin et de soumettre à la sanction législative des points qui pour la plupart se rattachent à la discipline intérieure ? M. Paul David, qui rend compte du projet soumis à la chambre portugaise, ne le pense pas. Il distingue les rapports du barreau avec les tribunaux des relations des avocats entre eux : que ces rapports, qui doivent se combiner avec les lois de la procédure, soient traités législativement, on peut l’admettre; mais pour le reste, c’est-à-dire pour l’organisation intérieure du barreau, aucun règlement n’est nécessaire : « Nous ne croyons pas à l’efficacité d’une immixtion quelconque de l’autorité gouvernementale dans la partie interne de l’existence du barreau. La profession d’avocat exige l’indépendance la plus complète, l’ordre doit être maître de son tableau, il peut apporter dans la procédure qu’il suit, dans son organisation intérieure, telle ou telle modification qu’il croira utile. Devra-t-il recourir aux chambres pour obtenir l’homologation de ce changement? C’est une idée contraire à son institution[1]. » M. David a raison, et c’est par la considération même qu’il exprime qu’après avoir posé quelques règles générales, l’ordonnance de 1822 a renvoyé le barreau français à ses traditions fortement assises dans le passé. Toutefois le Brésil et le Portugal, ne trouvant pas selon toute apparence ces us et coutumes dans leur propre fonds, ont préféré les fixer dans une codification. L’avenir dira si les véritables franchises du barreau n’y rencontreront pas quelque gêne.

On voit par là combien le barreau à l’étranger s’est rapproché des barreaux libres depuis quelques années. Sans doute, quelques états, à raison de leur constitution politique ou du mode d’organisation de la justice, sont restés en arrière et attendent des modifications nouvelles. Les uns mêlent encore la postulation à la défense, les autres demeurent plus ou moins sous la tutelle du pouvoir ou des tribunaux pour la défense des citoyens, qu’il s’agisse de leurs intérêts ou de leur liberté. S’il est un dernier pas à faire, il serait injuste de ne pas tenir compte de celui qui a été fait. En définitive, le barreau est partout sorti de la condition où il était ; à des degrés divers, il s’est affranchi des entraves et est à même d’offrir à la défense de sérieuses garanties. Il était soumis il y a moins de vingt années; les pays où il jouissait de l’indépendance nécessaire à sa mission étaient en petit nombre ; ils constituent aujourd’hui la règle

  1. Société de législation comparée, Bulletin de juillet 1880, p. 507.