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peine de laisser tomber en faillite les engagemens parlementaires. Cette nécessité n’était contestée que par les théoriciens du rachat, mais ceux-ci commençaient à se faire moins écouter, depuis que la détresse financière était mieux connue, et le gouvernement pouvait compter que la chambre accepterait ce qu’elle avait repoussé pendant la période de prospérité apparente, c’est-à-dire le concordat avec les grandes compagnies. Celles-ci, avec leur organisation solide, étaient seules capables de concourir à l’établissement du troisième réseau, et comme on voulait procéder vite et sûrement, les esprits pratiques ne devaient point s’arrêter à l’examen de diverses propositions, qui consistaient à créer des compagnies nouvelles, locales ou régionales, afin de ne pas augmenter le domaine, l’influence, le monopole des anciennes compagnies.

Après avoir recherché quelle était, dans cette grosse affaire, le rôle du gouvernement, quel était l’intérêt de l’état, il convient d’examiner la situation, le rôle, et l’intérêt des compagnies, au moment où les négociations allaient s’ouvrir. Tout d’abord leurs représentans devaient saisir avec empressement l’occasion de clore, au moins pour un temps, cette importune polémique du rachat qui depuis cinq ans remettait sans cesse leur existence en question. S’ils savaient que le droit de l’état inscrit à cet égard dans les cahiers des charges ne pouvait pas être abandonné, ils espéraient se précautionner contre l’exercice de ce droit par des dispositions qui attiraient pour effet de désarmer dans l’avenir les partisans du rachat en rendant cette opération plus difficile. En second lieu, puisque l’état faisait appel à leur concours, les administrateurs des compagnies pouvaient demander que la condition de leurs entreprises, au point de vue des revenus annuels et des dividendes à distribuer, ne fût pas affectée d’une manière sensible par le nouvel ordre de choses, et que le service rendu au trésor ne risquât point de déprécier les capitaux anciennement engagés. Cette exigence légitime donnait aux compagnies une grande force pour défendre la propriété de leurs tarifs, c’est-à-dire l’unique gage de leurs recettes, et pour obtenir l’extension des garanties financières qui avaient été appliquées à la constitution du second réseau. Jusqu’alors l’état n’avait cautionné que le capital d’emprunt, les obligations; du moment que, par de nouveaux contrats, les compagnies allaient être surchargées de travaux et de services reconnus très onéreux, il devait paraître équitable que le revenu des actions fût également protégé, dans une certaine mesure, contre la menace de réductions trop fortes et trop brusques. Enfin, il y avait intérêt pour les compagnies à resserrer les liens de solidarité qui existent depuis vingt-cinq années entre elles et l’état, à s’associer plus étroitement avec le trésor et avec l’administration publique, à conjurer ainsi la concurrence, les conflits de toute sorte, et à se prémunir,