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plus experts seraient incapables de chiffrer cet avenir hypothétique. Le succès ou l’échec financier des combinaisons adoptées dépendra des circonstances et des événemens, de la direction économique des compagnies, de la conduite politique de l’état.

Depuis six ans, les compagnies, incertaines du lendemain, étaient excusables de ne pas avoir amélioré autant qu’elles l’auraient pu les services de l’exploitation : toute amélioration étant coûteuse au début, elles craignaient de diminuer, en cas de rachat, le prix de leurs concessions et de s’imposer des sacrifices dont la compensation ultérieure pouvait leur échapper. Maintenant que leur propriété est consolidée et que l’avenir leur appartient, il ne leur est plus permis d’ajourner le progrès. Plusieurs députés ont, dans le cours de la discussion, signalé des réformes utiles; les directeurs des compagnies savent mieux que personne ce que réclame l’intérêt public. Il y a des tarifs qui doivent être réduits ; les facilités accordées aux voyageurs peuvent être étendues; il faut perfectionner et même, sur certaines lignes, renouveler le matériel. Ce sont des dépenses nécessaires, des sacrifices immédiats, que l’avenir rémunérera amplement. Les transports de marchandises et la circulation des voyageurs sont loin d’avoir atteint les proportions auxquelles notre pays doit prétendre. Une exploitation plus libérale, augmentant le trafic et les recettes de l’ancien réseau, compensera dans une plus large mesure l’insuffisance des produits sur les lignes nouvelles.

Quant à la conduite politique de l’état, elle exercera sur l’avenir des chemins de fer une influence prépondérante. Si cette conduite inspire confiance, les compagnies pourront emprunter dans les meilleures conditions le capital destiné au troisième réseau, et les annuités à payer par le trésor seront d’autant moins lourdes. Si la république se gouverne bien, si elle s’arrête dans les voies de la prodigalité où elle est déjà trop engagée, si elle favorise, par ses lois économiques, le progrès des échanges, si elle s’abstient d’encourager, sous prétexte de fausse démocratie, les prétentions démesurées de la main-d’œuvre, le progrès naturel de l’agriculture, de l’industrie et du commerce suffira pour ramener l’équilibre et la prospérité dans l’exploitation des chemins de fer. Il y a, dans notre pays, tant de ressources en capital et en travail, que l’on peut assigner aux transports, à la circulation des voyageurs comme au mouvement des marchandises, un développement presque illimité. Il dépend du gouvernement républicain de mettre à profit ces avantages. Par les conventions de 1883 la république s’est condamnée à la sagesse.


C. LAVOLLEE.