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D’ailleurs ceux qui s’en vont ne meurent pas tout entiers : leurs œuvres restent. Mais quelle amertume n’éveille pas dans le cœur le brusque départ de ceux qui disparaissent en plein talent ! Sunt lacrymæ rerum. Il y a des larmes dans les choses ; et les catalogues ont leurs tristesses. Sous les no 181, 182 et 183, le livret de l’Exposition nationale mentionne trois portraits de Pierre-Auguste Cot. Quand on regarde ces portraits, quand on pense au maître peintre, plein de jeunesse encore et célèbre déjà, qui leur a donné la forme et la couleur et toutes les apparences de la vie, on ne peut pas croire qu’il ait signé sa dernière œuvre, que l’Exposition nationale ait été l’occasion de son dernier succès et que, pour rendre hommage à ce créateur si vivant, l’éloge doive revêtir la forme de l’oraison funèbre.

On doit dire de M. Cot que, si son exposition a permis au public d’apprécier son talent sous des aspects divers, elle ne le lui avait pas révélé. Dans un autre genre, délaissé de nos jours, que les artistes, depuis le XVIIIe siècle, depuis Chardin et Latour, avaient abandonné aux pensionnats de demoiselles, dans le pastel, nous avons eu la surprise d’une révélation véritable. Le coup d’essai de M. Émile Lévy, dans ce genre, est un coup de maître. Nous connaissions le peintre, nous avions pour sa manière un peu froide et guindée, un peu cherchée et précieuse, beaucoup d’estime et peu de sympathie ; mais voilà que l’artiste a trouvé sa voie, une voie nouvelle, inexplorée ; qu’il a reconstitué un art presque oublié, créé de toutes pièces le pastel contemporain avec plus d’éclat, à notre sentiment, qu’aucun de ses devanciers, avec une richesse de couleurs, une maestria d’exécution, une puissance de vie devant lesquelles il faut s’incliner. Les onze portraits de M. Émile Lévy sont des chefs-d’œuvre, et qui n’ont rien à envier aux chefs-d’œuvre du XVIIIe siècle.

L’Exposition nationale aurait-elle eu pour unique résultat de disposer, pour le plaisir des yeux, cette collection précieuse dans la même petite salle où sont réunis dix autres chefs-d’œuvre, les lumineux dessins de M. Lhermitte, de présenter au public l’heureuse réunion des œuvres de M. Bastien Lepage, par exemple, et de tant d’autres artistes de valeur, que cette bonne fortune suffirait à la venger de toute attaque et à la détendre de l’oubli.


Nous nous arrêtons ici dans l’étude des ouvrages exposés. Après avoir tenté d’examiner rapidement l’œuvre de quelques-uns des maîtres dont l’analyse facilitait l’énoncé des considérations générales qui nous paraissent dominer le sujet, nous croirions prétentieux à la fois et superflu de passer en revue les œuvres exposées, dont la majeure partie a d’ailleurs été déjà critiquée ici même, et de main de maître, Pas plus nous n’avons la prétention de rendre