Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/521

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’y a pas même d’exception pour les sommes qui sont prélevées sur les revenus pour être économisées. Les économies individuelles, sources de la richesse nationale, ne sont pas amoncelées en espèces monétaires : elles donnent lieu à des placemens qui aboutissent toujours à des emplois commerciaux, c’est-à-dire à des achats de produits consommables.

Quoique n’étant pas des marchandises échangeables, il faut encore classer au nombre des produits qui se paient avec les revenus les loyers d’habitation et les transports : ce sont, à tout prendre, des consommations réelles puisqu’une maison se détruit par l’usage qu’en font les locataires, puisque les transports exigent un matériel qu’il faut renouveler, et que, d’ailleurs, bâtimens et transports concourent à la production matérielle.

Revenu et dépense sont donc synonymes, puisque la portion du revenu que le possesseur ne dépense pas personnellement et dont il fait économie est transmise à d’autres par une sorte de délégation et fournit à ceux-ci les moyens d’acheter et de consommer les objets matériels nécessaires pour le soutien de leur existence.

Il en est ainsi jusqu’à épuisement des produits matériels mis en vente et échangés contre l’ensemble des revenus individuels. Il ressort de là, je le répète, que s’il était possible d’additionner, d’une part, la production en tout genre d’un pays, estimée au prix vénal et définitif de chaque chose, et, d’autre part, le revenu, autrement dit la puissance d’achat de chaque individu, les deux additions arriveraient à s’équilibrer dans un même total.

Mais, dira-ton, production et revenu sont des puissances variables. Le revenu nominal d’un pays, évalué en monnaie, peut s’abaisser ou s’élever suivant la prospérité plus ou moins grande de la phase qu’on traverse : de même, la production subit des influences qui font varier en plus ou en moins les objets mis à la disposition des acheteurs. Comment s’établira l’équilibre entre ces deux élémens?

Ici intervient la grande loi, la loi souveraine de l’offre et de la demande. Quand la somme nominale des revenus ayant pouvoir monétaire augmente, quand il n’y a pas en même temps augmentation effective des produits matériels offerts à la consommation, les prix de toutes choses, marchandises et services, s’élèvent : la progression des prix correspond à l’accroissement du pouvoir d’achat. Si la production effective des articles de consommation et d’usage augmente, tandis que le chiffre total des revenus est stationnaire ou s’amoindrit, ce qui n’est pas impossible, mais qu’on voit rarement, les prix de toutes choses décroissent proportionnellement.

Si la capitalisation d’où découlent les revenus est tellement intelligente et tellement sincère qu’elle détermine une augmentation des