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partie de leur culture ou non propriétaires, les paysans possesseurs d’un coin de terre et travaillant à façon pour autrui. Quant aux salariés de l’agriculture, il a fallu distribuer par groupes, hommes ou femmes ; les ouvriers spéciaux, les simples manœuvres ou domestiques, et, pour ceux qui sont nourris, évaluer le coût des alimens, qui entre dans leurs soldes. L’industrie et le commerce comportaient des subdivisions encore plus subtiles : il y a la grande industrie avec ateliers, le haut et le petit commerce, en distinguant surtout, au regard des salaires, Paris et les villes plus ou moins grandes des départemens et en admettant de nombreuses catégories selon les localités. Les professions libérales, fonctionnaires, instituteurs, avocats, médecins, savans et artistes, professions où le revenu varie de l’opulence à la pauvreté, admettaient naturellement d’assez nombreuses classifications, A chacune des catégories que je viens d’énoncer j’ai rattaché par approximation les consommateurs improductifs qui, vivant ordinairement à la charge du chef de famille, entrent ainsi en partage de son revenu. Enfin, pour correspondre au dénombrement général de la population, il restait à noter les non valeurs et les déclassés, qui ont pour revenu ce qu’on leur donne ou ce qu’ils dérobent.

De cette décomposition du corps social il est résulté à mes yeux un total de 370 groupes que j’ai examinés successivement, en attribuant à chacun d’eux un chiffre de revenu exprimant le pouvoir d’achat qu’il peut appliquer à ses besoins ou à ses jouissances. Ce sont là, je le répète, des évaluations approximatives, la réalité absolue n’étant pas possible avec des élémens qui sont dans un état perpétuel de mobilité ; mais on reconnaîtra que ces conjectures, éclairées par les données de l’expérience et par les renseignemens divers que l’on peut recueillir, n’ont rien d’invraisemblable, que d’ailleurs, dans un aussi grand nombre d’évaluations, l’exagération sur un point est corrigée par une insuffisance d’autre part, et qu’en définitive s’établit un équilibre exprimant le fait réel.

De ces recherches et de ces calculs il résulte qu’en 1881, — je précise la date, — la population française, à ne considérer que les ressources provenant de son activité intelligente, a déployé un pouvoir d’achat dont je trouve le total entre 31 et 32 milliards de francs (chiffre trouvé 31,624,637,000), mais ce chiffre ne représente pas la totalité du revenu; il exprime seulement la somme produite par le labeur national. Il y a une autre source de revenu qui s’épand et qui est recueilli sans labeur : c’est, comme on dit aujourd’hui, l’intérêt des valeurs mobilières, le dividende, la rente provenant des capitaux placés à divers titres. Ici la précision n’est pas encore possible, mais on a du moins pour s’éclairer quelques