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LA
POLITIQUE COLONIALE


I.

Après avoir été longtemps fort décriée en France, la politique coloniale y est devenue, depuis quelques mois, réellement populaire. Cette popularité est-elle bien sincère ? Ce qui donnerait à craindre le contraire, c’est la manière un peu imprévue dont elle a éclaté. Ses premières manifestations ont coïncidé avec l’abandon fait par les pouvoirs publics de notre politique traditionnelle en Égypte, de sorte qu’on a vu le pays réclamer avec un ensemble inusité la restauration de notre empire colonial au moment où le gouvernement venait de perdre la contrée qui est en quelque sorte la clé des mers. Les Anglais ne se sentaient pas en sécurité dans l’Inde avant d’avoir mis la main sur l’Égypte, et nous, au contraire, le lendemain même du jour où l’Égypte nous échappait, nous avons trouvé l’heure favorable pour aller nous établir au Tonkin et à Madagascar. Il est clair qu’un pareil contre sens serait inexplicable s’il ne s’expliquait trop naturellement, hélas ! par l’ignorance des grands intérêts nationaux et par la méconnaissance des vrais sentimens publics dont les hommes chargés des destinées de la France ont si souvent fait preuve en ces dernières années. L’histoire n’aura pas assez de sévérité pour ceux qui, dans un inqualifiable intérêt de parti, nous ont privés du fondement sur lequel devait s’élever notre puissance coloniale. Mais, en agissant comme