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à Guise, en présence de l’ennemi. Les conscrits étaient déjà « tout décidés. » — « Je ne veux point dire tout aguerris, ajoute l’abbé; il faut réserver cette expression pour une autre époque, qui, par le temps qui court, arrivera probablement assez vite. » Sous la plume d’un réquisitionnaire de trois jours, cette phrase n’a-t-elle pas bon air? On sent que celui qui l’a écrite a autant de résolution qu’il a peu de jactance. A n’en pas douter, ce conscrit deviendra vite un soldat.

Dès le 5 octobre, le bataillon suivait la marche de l’armée à la rencontre des Autrichiens et, le 15, il assistait, en réserve toutefois, à la bataille de Wattignies. Il prit ensuite ses quartiers d’hiver à Prisches et au Sart, gardant la ligne de la Sambre. Au milieu de janvier 1794, on procéda dans le corps d’armée à « l’amalgame » prescrit par la loi du 19 nivôse an II. — On ne perdait pas de temps à l’armée du Nord : la loi était exécutée six jours à peine après avoir été promulguée. — Le bataillon dont l’abbé faisait partie fut versé avec un autre dans le 1er bataillon de l’ancien régiment de Royal-Auvergne et forma la 35e demi-brigade de bataille[1]. L’abbé approuve fort cette nouvelle organisation, bien qu’il y perde le grade de sous-lieutenant, qui lui a été conféré à l’élection : « Ce qui rend cette incorporation un peu dure, dit-il, c’est la perte de nos grades, que nous espérions bien conserver. J’en suis un peu vexé, mais il faut bien en prendre son parti comme les autres. » D’ailleurs il reconnaît que « les bataillons de réquisition manquant d’instruction et d’expérience, et étant commandés par des officiers élus, dépourvus de savoir comme d’autorité, on a fait sagement de les répartir entre les divers régimens qui ont déjà fait campagne. » L’abbé revient mainte fois dans ses lettres sur les bons résultats de cette mesure : « L’amalgame paraît devoir contribuer puissamment au succès de nos armes... Jusqu’ici, nous avions connu la vie commune, mais pas du tout la vie militaire. Nous y voici maintenant tout à fait initiés. Exercices, revues, service, tout se fait avec l’ordre le plus sévère. Les anciens sont contens de nos progrès et affirment que, d’ici à très peu de temps, nous serons en état de les seconder. » En effet, à l’affaire de Landrecies, le 26 avril 1794, la 35e demi-brigade reçut le baptême du feu et le baptême du sang. Elle perdit le quart de son effectif à l’attaque des retranchemens ennemis. Après trois assauts successifs, on dut battre en retraite. « Mais écrit l’abbé, la campagne n’est pas finie. Nous n’aspirons qu’à combattre... et à nous venger. »

  1. Ce bataillon provisoire de l’Aisne avait été d’abord incorporé au 3e bataillon de la Meurthe, lequel forma avec le 1er bataillon de la Meurthe et le 1er bataillon de Royal-Auvergne, la 35e demi-brigade. Voir les Volontaires de M. Camille Rousset; Annexes.