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attire en agitant son barbillon semblable à un ver. Sa chair est également très savoureuse.

La plus estimée parmi les espèces sédentaires qui habitent nos lacs et nos ruisseaux est certainement la truite, dont les nombreuses variétés sont toutes appréciées des gourmets. Elle est très répandue, mais elle se plaît surtout dans les eaux froides et vives des pays montagneux. Sa robe varie suivant les milieux qu’elle habite; ordinairement vert olive sur le dos et sur la tête, où elle est mouchetée de taches noires, elle se dégrade sur les flancs, où les taches deviennent rouges. La truite se nourrit surtout d’insectes, de vers, de crustacés. Quand elle a acquis une taille suffisante, elle chasse la loche, l’ablette et le gardon. Lorsque les alimens lui manquent, elle s’attaque à ses semblables, et quand une fois elle en a goûté, elle n’en veut plus d’autres. L’abondance des truites dans une rivière est donc en rapport avec la nourriture qu’elles peuvent y trouver, parce que, quand elles sont trop nombreuses, elles rétablissent d’elles-mêmes l’équilibre. La truite recherche l’ombre des arbres ou des rochers ; elle reste en place pendant des heures, faisant tête au courant, happant au passage les proies qu’il lui amène ou s’élançant comme une flèche sur celles qui passent à sa portée. A l’approche de la ponte, qui se fait de novembre à mars, elle remonte les cours d’eau à la recherche des frayères, creuse son nid dans le gravier, près d’une cascade, et pond des œufs rosés de la grosseur d’un petit pois, indépendans les uns des autres, et que le mâle vient ensuite féconder. Après cent ou cent vingt jours d’incubation, les alevins éclosent et conservent pendant vingt à trente jours encore la vésicule vitelline de l’œuf qui leur sert de nourriture et qu’ils résorbent peu à peu, cachés sous des pierres pour échapper à leurs ennemis. Parmi les diverses variétés, il faut mentionner la grande truite des lacs, qui pèse de 4 à 5 kilogrammes; la truite saumonée, qu’on a prise pendant longtemps, mais à tort, pour un hybride de la truite commune et du saumon ; l’ombre commun et l’ombre-chevalier, qui appartiennent, comme la truite, à la famille des salmonidés et qui, quoique formant des espèces différentes, ont à peu près les mêmes mœurs et les mêmes qualités.

Les poissons migrateurs ou anadromes sont ceux qui vont frayer dans d’autres eaux que celles qu’ils habitent ordinairement. Les principaux sont l’anguille, l’alose et le saumon.

L’anguille se rencontre dans toutes les parties du monde, sauf dans les bassins des fleuves qui versent leurs eaux dans la Mer-Noire. Elle fraie à la mer, et les petits, à peine nés, se précipitent en immenses quantités dans les fleuves et les ruisseaux, qu’ils remontent jusqu’à