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étroites, parce qu’ils rejettent d’eux-mêmes à l’eau les poissons trop petits pour la vente. Les Chinois pêchent également en plongeant pour prendre les poissons soit à la main, soit avec des pinces barbelées, dans les trous où ils sont réfugiés. Enfin ils utilisent pour la pêche les cormorans, qui placés sur l’avant du bateau avec un collier au cou, pour les empêcher d’avaler leur proie, sont dressés à rapporter le poisson qu’ils ont pris. Grâce à cette législation prévoyante et à des habitudes séculaires, les eaux de la Chine rendent tout ce qu’elles peuvent produire sans que leur fécondité en puisse jamais s’épuiser.

L’Europe est loin d’en être arrivée là, ainsi que nous l’apprennent un important travail publié en 1881 par M. Raveret-Watel dans le Bulletin de la Société d’acclimatation et le rapport que M. Chabot- Karlen a adressé en 1882 au ministre de l’agriculture, à la suite d’une mission dont il avait été chargé pour étudier la situation de la pisciculture dans les autres pays.

Quand on parle de pêche, c’est toujours par l’Angleterre qu’on commence, car nulle part cette industrie n’est aussi prospère. Les pêcheries d’Écosse et d’Irlande ont été décrites si souvent qu’il est inutile d’y revenir encore. Nous nous bornerons à rappeler que le saumon est le seul poisson d’eau douce dont on fasse cas et qu’on ne s’occupe pour ainsi dire pas des autres. L’abondance et la qualité des poissons de mer permettent aux Anglais de négliger ces derniers, que d’ailleurs ils ne savent pas apprêter. Cependant, en 1878, un act a été voté par le parlement pour la protection des espèces communes (coarse fish) ; mais c’est moins en vue de la nourriture qu’elles peuvent fournir, que pour donner aux classes ouvrières l’occasion de se livrer à un exercice salutaire. On compte, en effet, à Londres, quatre-vingts sociétés, comprenant cinquante mille membres, organisées en vue de s’adonner à la pêche à la ligne. A Sheffield, à Birmingham, à Manchester et dans toutes les villes manufacturières, il en est de même, et c’est par milliers qu’on compte les ouvriers qui recherchent ce genre de distraction.

La pêche du saumon est considérée, en Écosse et en Irlande, comme appartenant à la couronne, mais elle est libre en Angleterre. Généralement, le gouvernement n’use pas de son droit et laisse les riverains en jouir en se conformant aux règlemens établis. D’après la législation en vigueur, l’ensemble des pêcheries anglaises est soumis à la surveillance du Home Office, ou administration des travaux publics, qui nomme chaque année des inspecteurs chargés de présenter un rapport au parlement. Ces pêcheries sont divisées en un certain nombre de districts administrés par un conseil de conservateurs composé des principaux propriétaires, de membres