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une denrée qu’il lui serait facile de produire, tributaire des pays voisins. Beaucoup des meilleures espèces, autrefois abondantes, ont disparu ou sensiblement diminué; c’est le cas du saumon, de la truite, de l’écrevisse et de la plupart des poissons de rivière. Les seuls qui se soient maintenus sont les poissons d’étang.

Les causes de ce dépeuplement sont multiples; elles tiennent les unes à des circonstances climatologiques, d’autres à l’inobservation des lois et des règlemens, d’autres enfin à l’exercice même du droit de pêche. Les causes climatologiques sont purement accidentelles : c’est ainsi que l’épizootie qui a sévi sur les écrevisses a dépeuplé les cours d’eau, sans qu’il ait été possible de s’y opposer; mais on peut signaler le déboisement des montagnes, qui a pour conséquence le dessèchement pendant l’été d’un grand nombre de ruisseaux, comme une de celles auxquelles on peut porter remède.

La police de la pêche, nous l’avons dit, est réglée par les lois du 15 avril 1829, du 31 mai 1865 et par divers décrets qui en ont été la conséquence. Cette législation laisse peu à désirer et offrirait une protection suffisante si les prescriptions n’en étaient pas journellement violées. Faute de surveillance, le braconnage des eaux s’exerce sur la plus grande échelle, non-seulement par des gens qui en font le métier mais même par les fermiers de pêche qui ne se conforment pas aux règlemens. Ces derniers ne tiennent le plus souvent aucun compte des prescriptions relatives aux dimensions des mailles des filets ou à l’époque pendant laquelle la pêche est interdite. Quant aux premiers, ils cherchent à s’emparer du poisson par les moyens les plus destructeurs; ils ne reculent ni devant la dynamite, ni devant les substances toxiques, telles que la chaux ou la coque du Levant, qui tuent non-seulement les poissons adultes, mais aussi les alevins et détruisent ainsi les élémens de la reproduction future. La loi punit d’une amende de 20 à 300 francs et d’un emprisonnement de un à trois mois ceux qui font usage de drogues de cette nature ; mais, comme le fait observer M. Coumes, les délinquans, quand ils sont pris, ne sont pas poursuivis ou sont frappés d’une condamnation dérisoire. La même pénalité devrait être appliquée aux propriétaires d’usines qui déversent dans les cours d’eau les résidus de leur fabrication, ainsi qu’à ceux qui font rouir du chanvre; mais où trouver aujourd’hui un fonctionnaire pour la requérir, un tribunal pour la prononcer? C’est là cependant une des principales causes de la mortalité du poisson. Les cours d’eau sur lesquels se trouvent des teintureries, des sucreries, des féculeries ou des fabriques de produits chimiques, sont absolument dépeuplés, et l’on cite certains départemens, comme ceux de l’Aisne et du Nord,