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numérotés, etc. Mais on n’avait pas uniquement pourvu à cette sorte de satisfactions ; l’intérêt de la science était sauvegardé. Un nombre suffisant d’exemplaires de chaque publication était réservé pour la vente à des prix modestes, afin que les soins extrêmes consacrés à ces volumes ne fissent pas tort à leur diffusion. L’œuvre allait d’ailleurs s’étendre rapidement, grâce à l’importance de son objet et à l’énergie de son principal inspirateur.

M. Riant a fait preuve, pendant ces huit années, d’un rare talent de direction scientifique. D’accord avec lui, et la plupart du temps d’après ses indications, les collaborateurs de la Société de l’Orient latin poursuivent les recherches les plus précises dans les archives publiques ou privées les plus lointaines et quelquefois les moins connues. Son cabinet de travail est devenu le centre de nombreuses correspondances, une sorte de bureau d’informations et d’instructions incessantes dont tous les agens, secrétaires, collationneurs, copistes, correcteurs d’épreuves, sont également dans sa main. C’est lui le plus souvent qui désigne les recherches à faire, les manuscrits à retrouver, les comparaisons à instituer, il lui arrive d’avoir sur sa table les bonnes feuilles de huit à dix volumes à la fois. Pour faire comprendre cette activité savante, il suffit ici de rappeler les entreprises engagées et les résultats obtenus pendant les huit premières années. — On a voulu faire revivre la « littérature historique » des croisades, c’est-à-dire, en prenant ce mot dans son sens littéral, l’ensemble des documens écrits, quels qu’ils soient, qui peuvent servir à en éclairer l’histoire. On a commencé une double série de publications, l’une de textes géographiques et l’autre de textes historiques. Dans la première devront figurer les voyages en terre-sainte. Rien que pour les pèlerinages qui ont précédé les croisades, objet d’étude exclu par le recueil académique, on peut dire que la Société de l’Orient latin entreprend un travail colossal ; entamé depuis six ans, il demande un temps égal pour être terminé. Les cartes, dont quelques-unes extrêmement rares, seront reproduites à l’aide de la photographie. La même série comprend les descriptions si nombreuses de la terre-sainte ou des lieux saints et de Jérusalem, les itinéraires grecs, latins, français, orientaux : trois volumes en ont déjà paru,

La série historique puisera à des sources multiples, jusqu’à ce jour dédaignées, ou même à peine soupçonnées : récits scandinaves et russes, empruntés à une littérature historique devenue familière à M. Riant, auteur d’un remarquable volume sur la part que les peuples du Nord ont prise au mouvement des croisades; récits hébraïques contemporains, puisque les Israélites, avec leurs moyens d’information à la fois si secrets et si sûrs pendant le moyen âge, n’avaient pu rester indifférens à des expéditions latines en terre-sainte.