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de Pontchartrain, qui fut remplacé, le 5 septembre 1699, par Chamillart, auquel succéda Desmarets, le 10 février 1708.

Lepeletier, dominé par Le Tellier et par Louvois, avait affecté de se poser en censeur de l’administration de son illustre prédécesseur ; cependant, en réalité, il ne s’était pas beaucoup écarté de ses pratiques et de ses maximes. « Mais, dit Mallet dans ses Comptes, la guerre, qui commença en 1689, demanda des fonds si abondans que M. de Pontchartrain se crut dans la nécessité de suspendre l’ordre et les principes qu’on avait rétablis dans l’administration des finances : persuadé qu’un temps de besoin voulait des secours prompts, il se détermina pour se les procurer à avoir recours aux expédiens de finances qui avaient été proscrits par Colbert[1] »

Le comte de Pontchartrain, reçu conseiller au parlement de Paris, en 1661, à l’âge de dix-sept ans, était devenu premier président du parlement de Bretagne en 1676 et intendant des finances en 1687 ; il n’était donc pas étranger au contrôle-général quand le roi l’y appela : en 1690, il réunit à sa charge déjà si considérable la secrétairerie d’état, comprenant le ministère de la marine, que laissa vacante la mort prématurée de Seignelay. « C’était, suivant Saint-Simon[2], un très petit homme, maigre, bien pris dans sa petite taille, avec une physionomie d’où sortoient sans cesse des étincelles de feu et d’esprit et qui tenoit encore plus qu’elle ne promettoit. Jamais tant de promptitude à comprendre, tant de légèreté et d’agrément dans la conversation, tant de justesse et de promptitude dans les reparties, tant de facilité et de solidité dans le travail, tant de subite connoissance des hommes, ni plus de tour à les prendre. Avec ces qualités, une simplicité éclairée et une sage gaîté surnageoient à tout et le rendoient charmant en riens et en affaires. »

Il fut contrôleur-général jusqu’à la fin de 1699, et, pendant ces onze années, le produit net des revenus ordinaires ne s’éleva qu’à 795 millions, tandis que la guerre porta les dépenses à 1,580 millions : il fallut donc pourvoir à une insuffisance de 785 millions. Contraint par des nécessités si impérieuses, Pontchartrain se laissa entraîner à se procurer des ressources extraordinaires au moyen d’expédiens qui ne répugnaient pas alors aux mœurs publiques, mais qui ne soulageaient le présent qu’en surchargeant l’avenir et dont son imprévoyante légèreté ne calcula ni les conséquences ni les périls. Il emprunta ; il fit ce qu’on appelait alors des affaires extraordinaires, qui consistaient principalement en ventes de nouveaux offices ou en augmentations des gages des offices existans ; il fit refondre les espèces monétaires en élevant leur cours. Il commença

  1. Comptes de Mallet, page 105.
  2. Mémoires de Saint-Simon, tome II, page 226.