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On devait croire que les traditions de Colbert rentreraient au contrôle-général, avec son neveu qui avait été son élève. Mallet, alors premier commis des finances, affirme[1] « que la malheureuse situation où Desmarets trouva les finances, et les secours pressans et continuels dont on avoit besoin pour soutenir la guerre, ne lui permirent pas de rétablir les principes de gouvernement tels qu’ils étoient sous Colbert. » Le nouveau contrôleur-général, malgré son incontestable capacité, son expérience, la grande fécondité des ressources de son esprit, ne put donc que suivre à peu près les erremens de ses deux faibles prédécesseurs, s’efforçant cependant de diminuer le nombre et l’importance des affaires extraordinaires, toujours très onéreuses au trésor, et cherchant l’appui du crédit des banquiers. On sait comment le roi s’efforça de le seconder, en accueillant à Marly avec une faveur particulière Samuel Bernard, l’un des plus riches et des plus puissans de ces banquiers.

Dans cette situation désespérée, Desmarets ne fit pas beaucoup mieux que n’avaient fait avant lui Pontchartrain et Chamillart. Son administration dura sept années, les dépenses s’élevèrent à 1,579 millions et à 1,914 millions en y comprenant 335 millions de dépenses, non payées, des années précédentes : le produit net des revenus ordinaires ne dépassa pas 269 millions. Il dut se procurer 1,300 millions de ressources extraordinaires et laisser plus de 300 millions dus et non payés.


II. — L’ETAT GENERAL DES FINANCES DE 1689 A 1715.

On ne peut se rendre un compte exact du désordre financier de la fin du règne de Louis XIV qu’en réunissant et en examinant dans leur ensemble les faits qui appartiennent à l’administration de chacun des trois derniers contrôleurs-généraux. Dans cette période de vingt-six ans, qui s’étend de 1689 à 1715, la guerre de la ligue d’Augsbourg dura neuf ans et celle de la succession d’Espagne se prolongea pendant plus de treize ans : il n’y eut pas quatre années de paix. Les dépenses constamment accrues par la guerre s’élevèrent à la somme totale de 4 milliards 956 millions, tandis que la guerre aussi, avec ses conséquences inévitables souvent aggravées par la disette, amena une diminution rapide des revenus publics. Le bail des fermes générales fut réduit presque à chacun de ses renouvellemens. En 1703, il ne fut que de 41,700,000 : — depuis 1683, il avait diminué de 20 millions. En 1705, le désordre des finances dans l’état, la gêne et l’inquiétude dans les fortunes privées étaient telles qu’on ne trouva de fermier que pour un an.

  1. Comptes de Mallet, page 113.