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possible d’emprunter qu’au denier 16, au denier 14, et même au denier 12 (6. 25, — 7.15 — et 8.33 pour 100) La totalité des emprunts contractés, de 1700 à 1714, s’éleva à 440 millions pour 25 millions de rentes. Si le taux moyen de l’intérêt n’est pas plus élevé, c’est que des rentes furent encore constituées au dénier 20 pour des sommes considérables ; mais ces opérations ont le caractère d’emprunts et de liquidations forcés. Un emprunt de 20 millions en 1704 et un de 600,000 livres en 1710 furent répartis par le gouvernement entre les acquéreurs de titres de noblesse ; un emprunt de 400,000 livres fut réparti de même, en 1709, entre les étrangers naturalisés français, en violation des droits qu’ils avaient acquis ; et un autre de 12 millions, en 1710, entre les personnes intéressées aux affaires ; 34 millions constitués en rentes furent donnés, la même année, en paiement d’assignations délivrées pour des dépenses des années précédentes, et, en 1711 et 1712, 114 millions servirent à éteindre des effets royaux en souffrance. Tous ces capitaux furent constitués en rentes au denier 20, alors que sur le marché public l’intérêt était beaucoup plus élevé : ou ne respectait plus la liberté des conventions ; on n’acquittait plus régulièrement les engagemens contractés.

Cet oubli des principes et des règles dont l’observation est nécessaire au maintien et au développement du crédit fut suivi de mesures plus irrégulières et plus violentes. En 1697, on avait pu diminuer la charge annuelle de la dette en remboursant des emprunts contractés à un taux d’intérêt élevé (aux deniers 18 16-14 et même 12) au moyen de nouveaux emprunts régulièrement et librement consentis au denier 20 ; la détresse entraîna le trésor à réduire arbitrairement les rentes par un acte de l’autorité publique qui constituait une véritable banqueroute.

La rigueur de l’hiver de 1709 et la disette qui en fut la suite firent resserrer l’argent plus que jamais et élevèrent tous les prix que surhaussait déjà l’affaiblissement de la monnaie par la refonte des espèces et l’élévation de leur cours. Tandis que la diminution des consommations avait pour conséquence la diminution des revenus publics, il fallait continuer de subvenir aux frais de la guerre et remédier à la cherté des grains : la dépense des vivres, en 1709, dépassa 40 millions. Le trésor, épuisé, cessa de pouvoir payer les arrérages de la rente. En 1710, on annonça la reprise des paiemens ; mais ils se firent sur le pied du denier 20, quel qu’eût été le taux primitif d’émission ; et même, après cette réduction, un semestre seulement fut payé sur deux. À la fin de 1713, deux années étaient dues aux rentiers, et cette demi-suspension de paiement pouvait se prolonger indéfiniment : pour faire cesser ce provisoire, une banqueroute partielle, mais définitive, fut résolue, un