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Quand des offices étaient créés dans une corporation déjà constituée, ses membres les achetaient pour les éteindre et ne pas voir s’élever à côté d’eux une corporation rivale.

Dans les communautés d’arts et métiers qui avaient conservé la libre élection de leurs administrateurs, « on établit au lieu et place des jurés électifs des jurés en titre d’office, qu’une perpétuelle application et l’intérêt de la conservation de leurs charges, qui répondront des abus et des malversations qu’ils pourront commettre, engageront avec plus d’exactitude et de sévérité à l’observation des ordonnances (édit du 14 mars 1691). » On pourrait croire qu’une pensée d’ordre a inspiré cette mesure ; mais on a soin de déclarer dans l’édit qu’on espère « en tirer dans les besoins présens quelque secours pour soutenir les dépenses de la guerre. » Le fisc cherche ainsi toujours à se parer d’une apparence d’intérêt public. En voici un plus curieux exemple. Le roi (édit d’août 1691), « qui veut faire régner l’abondance dans sa bonne ville de Paris et autres, pour la satisfaction et la plus grande commodité de ses sujets, » a reconnu « que trois ou quatre particuliers, qui font le commerce des huîtres à l’écaille, s’en sont tellement rendus maîtres que ses sujets n’en ont que tant et autant que bon leur semble ; qu’ils les vendent souvent à des prix excessifs et que même il en manque quelquefois à Paris, faute de personnes qui prennent soin d’en faire voiturer ; » il croit donc utile de créer des pourvoyeurs vendeurs d’huîtres à titre d’office, mais en même temps, il en lire un prix de 125,000 livres.

Dans les métiers qui n’avaient ni maîtrises ni jurandes, des syndics héréditaires furent institués. Les corporations, craignant de voir des étrangers s’immiscer dans leurs affaires, demandèrent à acheter ces offices. L’administration, qui ne voulait que de l’argent, y consentit. Rouen se racheta ; les six corps de marchands de Paris donnèrent 624,000 livres.

Mais les communautés qui achetaient ainsi des offices pour les éteindre n’étaient pas garanties contre une création nouvelle. En 1696, elles acquirent en partie, pour 666,000 livres, des charges de trésoriers des bourses communes et, quelques années après, en 1701, des offices absolument semblables étaient institués sous le nom de trésoriers-receveurs et payeurs des communautés, en violation des droits que celles-ci avaient acquis.

Le besoin d’argent l’emportait sur tout. Les députés du commerce se plaignirent d’un édit (octobre 1704) qui créait, en titre d’office, des inspecteurs généraux des manufactures dans chaque généralité, des commissaires-contrôleurs visiteurs dans chaque lieu de fabrique de toiles et dans toutes les villes de commerce, et des concierges ou gardes des halles aux draps et toiles en leur attribuant