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envoie la liste des privilégiés de nouvelle création, « qui prétendent être exempts de l’ustensile, bien que les édits ne parlent que du logement. » Ils sont au nombre de 4,275. Huit ans après (le 28 septembre 1699), il écrit que « toute l’application des gens riches… est de parvenir à quelque titre coloré pour se rendre maîtres et jouir de privilèges qu’ils n’ont pas même au sujet de la taille,.. où on se fait modérer et souvent mettre à un taux modique. » L’intendant d’Orléans (octobre 1699) « trouve dans toutes les petites villes un si grand nombre d’officiers exempts de tailles que c’est un accablement pour les pauvres artisans. » Le roi lui-même reconnaît (édit d’août 1705), « qu’il a créé différens offices de judicature, police et finance, auxquels il a attribué des exemptions et des privilèges, pour s’en procurer le débit avec facilité. Les plus riches habitans des paroisses les ayant acquis, le nombre des exempts et privilégiés est tellement multiplié qu’à peine reste-t-il un nombre suffisant de contribuables pour porter les charges, ce qui a rendu les recouvremens si difficiles, qu’il n’est pas moins de sa justice que de son intérêt d’y pourvoir et de révoquer une partie de ces privilèges et de ces exemptions. » Mais l’édit a soin d’ajouter : « sans supprimer les offices ; » et, allant au-devant des plaintes des officiers auxquels il retire quelques-uns des avantages qu’ils ont achetés à prix d’argent, il déclare « que les gages et les droits attribués aux offices sont plus que suffisans pour indemniser ceux qui les ont acquis de la finance qu’ils ont payée. » Cet édit ne révoqua d’ailleurs qu’une partie des exemptions et des privilèges déjà concédés et n’interdit pas d’en concéder dans l’avenir. L’année suivante, on en accordait de nouveaux à des offices créés dans les hôtels de ville avec attribution de la noblesse, et à beaucoup d’autres.

Toutes les affaires extraordinaires furent, en même temps, d’autant plus onéreuses à l’état que, le plus souvent, il ne pouvait les négocier directement et qu’il devait recourir à des intermédiaires avec lesquels il traitait et qui traitaient à leur tour avec le public. Ces traitans profitaient des embarras du trésor pour lui imposer des conditions excessives et pour réaliser des bénéfices considérables ; mais ils se chargeaient des affaires difficiles et ils en avançaient le produit. Ces avances avaient un grand intérêt pour le trésor, toujours vide. Leurs procédés rigoureux rendirent souvent ces traitans odieux aux populations. Les consuls d’Aix ayant refusé d’acquérir, en 1695, quatre offices de jurés crieurs d’enterremens, un traitant les prit, et il fallut « protéger ses préposés contre les outrages et les mauvais traitemens de la population. » Une circulaire du 28 mai 1705 rappelle aux intendans « qu’on se plaint souvent des frais que font les commis des traitans pour le recouvrement des affaires extraordinaires, et surtout des garnisons qu’ils