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le traité est fait verbalement ;.. cela ne laisse à souhaiter que d’en avoir souvent de semblables, ou plutôt d’être hors du malheureux besoin d’en faire de semblables. »

« Le 24 mai 1693. — Vous pouvez dire assez de mal de l’édit que vous m’avez renvoyé : je conviens de tout avec vous ; mais, puisque vous convenez aussi avec moi de la triste et malheureuse nécessité qui nous oblige à ce qu’il y a de plus mauvais, je n’ai que trop de raisons de craindre que nous ne soyons forcés de faire pis. En attendant, faisons donc ce mal-ci. »

« Le 10 octobre 1696. — Si cette affaire étoit de votre goût, au lieu de 3 millions qu’on en offre, j’ai des gens en main qui la feroient valoir près de 5, et, pour la rendre de votre goût, faites réflexion… sur l’impossibilité de faire à présent d’autres affaires que les plus diaboliques et sur la cruelle nécessité d’en faire de quelque nature qu’elles soient. »

Et Chamillart, avec moins de hauteur et d’emportement, mais avec la douceur et la résignation plus tristes qui sont dans son caractère :

« Le 28 octobre 1701. — Où propose d’établir des greffes, des hypothèques ;.. c’est une cruelle place que celle des finances quand il faut renouveler la guerre après celle qu’on a essuiée. »

« Le 6 novembre 1701. — Je suis bien fâché d’avoir recours à de pareils moyens ; mais ce n’est pas ma faute ; ni mon cœur ni mon inclination n’y ont part. »

Et, à propos d’un projet de taxe sur les moulins et sur les moutures : « Le 9 avril 1702. — Je consentirois volontiers, aux dépens de la place de contrôleur-général et des appointemens considérables qui l’accompagnent, de n’avoir jamais de pareils objets sous les yeux ; mais Dieu ne l’a pas permis[1]. »

Cependant ni Pontchartrain ni Chamillart ne manquaient de bon sens et de probité ; mais leur situation était fatale. Ils subissaient la pression des événemens sans pouvoir l’atténuer et sans que les mœurs publiques du temps vinssent leur prêter quelque appui : cette pression terrible qui les écrasait avait quelque chose du destin antique.


AD. VUITRY.

  1. Correspondance administrative sous Louis XIV, t. III. no 99 et 100.