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d’une troupe qui, à la suite d’une capitulation, avait obtenu les honneurs de la guerre, c’est-à-dire le droit de défiler avec armes et bagages comme pour aller au combat : on disait qu’elle était sortie de la place « mèches allumées, balles en bouche. »

En 1683, une ordonnance royale substitua aux anciennes charges de bandoulière une poire à poudre ou fourniment. En 1734, on se servit de cartouches en papier pendant la campagne d’Italie : on s’en trouva bien et on les adopta. Quand le soldat voulait charger, il déchirait avec les dents le côté ou le bout de la cartouche qui devait se trouver en regard de la lumière ou du bassinet du fusil ; il l’enfonçait jusqu’au fond de la chambre et n’avait plus qu’à amorcer. Cette innovation, et l’adoption de la platine à batterie au lieu de la platine à mèche, c’est-à-dire la substitution du fusil au mousquet, avaient déjà permis d’accélérer beaucoup la charge. L’emploi des baguettes en fer, introduites en 1730 dans l’armée prussienne, ne tarda pas à se généraliser. A la bataille de Mollwitz (1741), les Autrichiens, qui avaient d’abord l’avantage, ne purent répondre aux Prussiens par un feu aussi vif que le leur, parce que la plupart de leurs baguettes, — qui étaient en bois, — se cassaient dans h canon; les hommes, se trouvant ainsi hors d’état de faire feu, cherchèrent à se mettre à l’abri des feux continus de l’infanterie ennemie en se cachant les uns derrière les autres : l’ordre de bataille fut rompu, l’armée autrichienne ne se présenta plus qu’en bandes éparses, et le canon prussien ne tarda pas à les écraser.

On en était venu, grâce à ces perfectionnemens successifs, à une vitesse normale de trois coups par minute. La Prusse, qui presque toujours a pris l’initiative des améliorations de l’armement, devait, sous l’énergique impulsion du grand Frédéric, doubler cette vitesse de tir par suite de l’emploi de baguettes cylindriques qu’il n’y avait plus à retourner, suivant qu’on avait à bourrer sur la poudre ou sur la balle, et par suite aussi de l’adoption de lumières coniques qui s’amorçaient toutes seules avec la poudre versée dans le canon : il devenait donc inutile d’en mettre dans le bassinet, et un mouvement assez long se trouvait ainsi supprimé. On arrivait de la sorte à une vitesse de six ou sept coups par minute, au moins sur la place d’exercice.

Ce résultat atteint, on se tourna d’un autre côté : on chercha moins la rapidité et on s’attacha à perfectionner la carabine, c’est-à-dire le fusil rayé. La supériorité de cette arme sur le fusil à âme lisse était reconnue; mais son chargement, qui se faisait en forçant la balle à coups de maillet, était trop pénible et trop lent pour qu’on songeât à en doter la masse de l’infanterie. C’est le chargement par la culasse qui a permis d’employer, d’une manière pratique, les armes rayées. Au lieu d’avoir à écraser la balle introduite