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En la seule année 1882, il en a été fondé 38. Malgré cette extension, il reste encore trop de départemens (une trentaine) qui n’en possèdent pas une seule. Le Midi, le Centre, l’Ouest, n’en renferment qu’un nombre insignifiant. Ce n’est guère que dans les régions frontières du Nord et de l’Est que ces associations abondent et que les stands sont fréquentés assidûment par les sociétaires.

Il faut souhaiter que ces institutions se généralisent : non-seulement tout homme valide devrait suivre régulièrement les exercices de tir, mais les adolescens eux-mêmes devraient se faire un devoir d’honneur d’y assister ponctuellement, de ne pas manquer aux séances du dimanche et de prendre part aux concours. Pourvu que ces réunions ne dégénèrent pas en stations au cabaret, pourvu que l’idée patriotique qui les inspire soit toujours présente, on ne saurait trop encourager l’établissement de nouveaux stands. Que l’état y contribue, qu’il donne des terrains, qu’il abaisse le prix des munitions, qu’il alloue des récompenses et qu’il dépense à ces exercices une partie de ce que lui coûtent les inoffensifs fusils scolaires et l’équipement des bataillons enfantins des écoles, ce ne sera pas de l’argent perdu, car le régiment ne peut donner qu’une instruction fort insuffisante aux hommes de recrue. On n’acquiert pas en trois ans l’assurance automatique qui est nécessaire à des soldats. Il faut que, malgré la surprise et l’émotion, les hommes qui se présenteront pour la première fois sur le champ de bataille chargent, visent et fassent feu en quelque sorte machinalement. Cet automatisme ne peut provenir que d’exercices répétés et commencés, s’il est possible, dès l’enfance.

On sait ce qui s’est passé dans la guerre de sécession des États-Unis et quels mécomptes sont résultés du trouble éprouvé par les soldats improvisés dont on disposait. On lit dans le rapport publié par le ministre de la guerre américain que sur 27,000 fusils ramassés sur le champ de bataille de Pettysburg, un vingtième (1,200 environ) contenait 2 cartouches, — il s’agissait d’armes se chargeant par la bouche, — plus de 500 contenant de 3 à 10 charges. Dans quelques-uns, la balle était placée en arrière de la poudre. Dans une carabine rayée même il y avait 23 charges placées régulièrement.

Pour éviter semblables bévues, il faut non-seulement instruire les troupes, mais les instruire assez pour qu’elles conservent au milieu de la lutte et au plus fort de l’émotion la pratique machinale et instinctive de la charge et du pointage. Ce n’est qu’en fréquentant les stands que les réservistes pourront entretenir leur habileté au tir, péniblement acquise au régiment, s’ils n’ont pas été exercés avant d’arriver sous les drapeaux. A l’âge de vingt ans, on n’est plus très apte à se former. Les allocations réglementaires de cartouches, bien