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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre.

Ce qu’il y a de plus dangereux en politique, ce n’est pas de se tromper, — les meilleurs gouvernemens se trompent parfois, — c’est de se faire comme un système ou une habitude de l’erreur et de l’équivoque, de s’accoutumer à tout confondre et à tout déguiser, à dérober aux autres et à se dérober à soi-même la vérité des choses. Avec ces procédés, on croit parfois éluder la difficulté du moment en la voilant à demi ou en l’ajournant : on n’évite rien, on ne résout rien, on finit par tout embrouiller, par rendre toutes les solutions impossibles, du moins singulièrement difficiles ; on amasse à plaisir les obscurités et les incohérences, jusqu’au jour où des explications inévitables, le plus souvent tardives, viennent montrer qu’on n’a réussi qu’à créer une de ces situations fausses, où les plus graves affaires peuvent être compromises, où les gouvernemens ont usé leur crédit, — une de ces situations d’où il faut sortir à tout prix.

Comment a-t-on procédé avec ces affaires de l’Indo-Chine, qui sont devenues par degrés une obsession pour l’opinion, un embarras pour la politique de la France ? Depuis un an déjà, cette question du Tonkin a commencé à être un objet de préoccupation publique at a fait son entrée dans le parlement. Elle a pris surtout une forme saisissante et poignante par cette échauffourée d’Hanoï, où ont péri quelques-uns de nos soldats, conduits par un chef à l’esprit brillant et au cœur intrépide, tombé lui-même victime de son héroïsme. À plusieurs reprisée, avant et depuis ce cruel incident, au sénat comme à la chambre des députés, on a pressé le gouvernement de dire ce qu’il voulait, ce qu’il poursuivait, d’associer les chambres à ses desseins, d’éclairer l’opinion