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Est-ce à dire que la politique du Vatican, depuis l’avènement de Léon XIII, la politique qui, pour fortifier le saint-siège vis-à-vis de l’Italie, semble vouloir s’appuyer et pour ainsi dire s’adosser aux puissances, repose sur une illusion ou un faux calcul ? Non assurément ; les dernières années, les dernières semaines surtout en ont montré l’habileté. Léon XIII, dès le premier jour de son pontificat, a prévu que les monarchies en guerre avec l’église se lasseraient bientôt d’un conflit qui ne pouvait profiter qu’aux influences révolutionnaires. Il a prévu que, hétérodoxes ou catholiques, les plus grands états du continent sentiraient tôt ou tard le besoin de réunir toutes les forces conservatrices et que, dans cet effort pour relever en Europe le principe d’autorité, les puissans de ce monde ne sauraient faire fi du saint-siège. La brusque évolution du prince de Bismarck a été une justification éclatante des calculs du Vatican. Dans ses relations avec les cours impériales, le saint-siège a puisé une force nouvelle vis-à-vis de l’Italie ; mais s’ensuit-il que la chaire romaine puisse compter sur les monarchies européennes pour lui restituer quelques lambeaux de son ancienne royauté temporelle ? Rien ne permet de le penser. L’Allemagne de M. de Bismarck, que certains catholiques regardent déjà comme le futur instrument de la Providence, est peu faite pour un pareil rôle. Il est difficile de découvrir, dans l’hérétique chancelier, revenu du Culturkampf, l’étoffe d’un Pépin ou d’un Charlemagne. S’il se plaît à faire des avances au saint-siège, à envoyer l’héritier du nouveau trône germanique lui rendre hommage, M. de Bismarck a soin de flatter en même temps l’amour-propre de l’Italie et de son roi. Dans l’espèce de sainte alliance qu’il semble rêver de reconstituer, la maison de Savoie a sa place non moins que la papauté. Si, parmi les projets qu’agite son remuant génie, figure la réconciliation de l’Italie et du saint-siège, il est peu probable que, pour y gagner le Vatican, M. de Bismarck aille engager sa nouvelle alliée à se décapiter elle-même. Ce que le saint-siège peut attendre de l’Allemagne et de l’Europe, ce n’est pas une restauration chimérique, mais un concours moral, un arbitrage bienveillant, de bons offices vis-à-vis de l’Italie. Leur appui moral, l’aide même de leur diplomatie, les cabinets ne sauraient dans leur propre intérêt le lui refuser, le jour où, infidèle à ses engagemens, l’Italie disputerait au pontife les libertés nécessaires à son indépendance spirituelle. Déjà, nous l’avons dit, la plus effective des sûretés dont jouisse le Vatican, ce sont les ambassades accréditées près du saint-père : elles lui servent en quelque sorte de garantie internationale et renforcent singulièrement les garanties italiennes.

Quant à une action à main armée, à une expédition militaire telle