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demeuraient généralement opposés à toute entente avec les héritiers de Cavour, avec les hommes auxquels la papauté devait ses pires échecs et que, durant vingt-cinq ans, ils s’étaient habitués à dénoncer comme les plus fourbes et les plus dangereux des ennemis de l’église. Ils eussent craint, en leur apportant l’appoint de leurs voix, de ne servir qu’à renflouer et remettre à flot le vaisseau désemparé des monarchistes constitutionnels[1]. De leur côté, les membres de la droite parlementaire n’étaient pas sans redouter toute apparence de connivence avec un parti qui eût voulu être leur maître, qui, au lieu de leur donner une force réelle, eût pu achever de les discréditer, ou compromettre l’œuvre de 1860 et de 1870, dont ils se font plus que jamais gloire. L’impossibilité d’une pareille alliance n’a pas été étrangère à la résignation de la droite à se rapprocher de ses rivaux parlementaires, sous les auspices de M. Depretis, pour consolider leur œuvre commune.

S’ils ne voulaient renforcer aucun des anciens partis, les catholiques restaient maîtres de grouper leurs bataillons et de combattre hardiment sous leur propre drapeau. Ils demeuraient libres d’imiter leurs coreligionnaires du Nord, de créer une droite à la belge ou un centre à l’allemande, de façon à prendre les partis légaux entre eux et les fractions radicales. Pourquoi Léon XIII ne le leur a-t-il pas permis ? Est-ce par scrupule religieux, par attachement aux maximes absolues de Pie IX ? Non, sans doute, c’est plutôt qu’aux yeux du Vatican, le moment d’une pareille entrée en campagne n’est pas encore venu ; qu’à l’heure présente, elle lui semble avoir plus de périls que d’avantages. On appréhende de faire sans profit une sorte d’acte de reconnaissance de la monarchie usurpatrice, de renoncer inutilement à la politique de protestation qui permet à la curie de dénier au parlement le droit de représenter le pays. On craint, en faisant publiquement manœuvrer ses soldats, de les trouver moins nombreux ou moins disciplinés qu’on voudrait le laisser croire. On redoute enfin, en engageant la lutte dans le parlement, de faire le jeu des adversaires, d’apaiser les discordes intestines du libéralisme italien, de rajeunir et de fortifier le régime que l’on prétend combattre.


IV

Entre les barrières qui arrêtent les catholiques au seuil de la lice parlementaire, il en est que l’on n’avoue pas, que l’on n’aperçoit même peut-être pas distinctement au Vatican, mais qui n’en sont

  1. La Civiltà cattolica, dans un article du père M. Liberatore (octobre 1882), allait jusqu’à dire que mieux vaudrait pour l’église la victoire des socialistes.