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Les poissons que nous consommons ne sont, en effet, qu’une bien petite partie des produits que nous pourrions retirer des mers pour en faire notre profit. Quand on songe que les océans couvrent les trois quarts environ de la surface du globe et qu’ils sont habités par une multitude d’êtres animés, depuis les couches supérieures jusqu’aux abîmes, insondables, on s’étonne que l’humanité tout entière n’y trouve pas sa nourriture. À quelles conditions l’exploitation des mers doit-elle être soumise, sinon pour qu’il en soit ainsi, du moins pour que celles-ci conservent leur fertilité, c’est ce que la commission d’enquête s’est demandé et c’est ce que nous allons examiner de notre côté, en nous aidant dans notre étude, non-seulement des dépositions qu’elle a recueillies, mais encore des nombreux travaux qui, dans ces dernières années, ont été publiés sur la matière.


I

Avant de nous occuper des poissons, jetons d’abord, comme l’a fait M. Gobin, dans les intéressans mémoires qu’il a adressés à la Société nationale d’agriculture, un coup d’œil sur le milieu dans lequel ils vivent. Nous trouverons, dans les données que nous fournit à ce sujet la géographie physique, l’explication de certains faits jusqu’ici obscurs sur la vie des habitans de l’océan.

Les mers doivent leur salure à la dissolution des substances minérales enlevées à la croûte terrestre par les eaux qui, à l’origine des âges géologiques, couvraient tout le globe, ou apportées par les fleuves des terrains qu’ils arrosent. Ces substances, parmi lesquelles dominent les chlorures de sodium, de magnésium et de calcium, les sulfates de magnésie, de chaux et de soude, ne sont pas emportées par l’évaporation solaire et s’accumulent depuis des milliers de siècles au fond des mers, auxquelles elles communiquent la salure qui les caractérise et qui est loin d’être uniforme. Pour ne parler que de celles qui baignent nos côtes, la Méditerranée est plus salée que la Manche, et celle-ci plus que l’océan.

La densité de l’eau de mer augmente avec la quantité des sels en dissolution ; elle atteint son maximum, non plus comme pour l’eau douce à 4 degrés centigrades, mais à —2° 22 ; le degré de congélation descend lui-même au-dessous de cette température. La présence des sels a encore pour effet de ralentir l’évaporation de l’eau et d’atténuer l’intensité des phénomènes qui se produiraient si cette évaporation se faisait trop rapidement. La mer ne renferme pas seulement des substances minérales en dissolution, elle contient aussi des gaz qui permettent à une foule de plantes de s’y développer.