Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La mer, on le sait, est sujette à des oscillations périodiques appelées marées qui, dues à l’attraction qu’exerce la lune sur les flots, se produisent deux fois par jour et qui ont pour effet de couvrir et de découvrir alternativement les rivages sur une étendue variable suivant l’inclinaison des côtes et les phases du satellite. Ces oscillations ne sont pas les seuls mouvemens auxquels la mer soit soumise ; les vents en produisent d’autres qui, suivant leur force, donnent lien à de simples houles ou à de violentes tempêtes soulevant des vagues qui, dans les mers fermées comme la Méditerranée, ne dépassent pas 7 mètres, mais qui peuvent atteindre jusqu’à 30 mètres aux environs du cap de Bonne-Espérance et font sentir leur action jusqu’à 200 mètres de profondeur.

Outre ces mouvemens accidentels, il y en a de permanens qui sont provoqués par des courans sous-marins dont la marche est régulière et constante. Ce sont d’abord les courans verticaux dont nous avons déjà parlé et qui sont dus à la différence de température des diverses couches ; ce sont ensuite les courans qui s’établissent entre les mers intérieures et les océans, lorsque les premières communiquent avec les derniers par un détroit. C’est ainsi que les eaux de l’Atlantique, moins lourdes que celles de la Méditerranée, pénètrent dans cette dernière par un courant supérieur qui franchit le détroit de Gibraltar, et sont remplacées par les eaux de la Méditerranée, qu’entraîne dans l’océan un contre-courant inférieur.

Il y a enfin des courans généraux et permanens, véritables fleuves qui transportent les eaux chaudes de l’équateur vers les pôles et ramènent les eaux froides des pôles vers l’équateur, passant d’un hémisphère à l’autre, modifiant les climats géographiques, équilibrant la température et la salure des eaux, et formant des routes ambulantes au milieu de l’immensité liquide. De ces divers courans, celui qui nous touche le plus est le gulf-stream, dont le commandant Maury, qui le premier en a signalé l’importance, a fait une si poétique description : « Il est, dit-il, un fleuve dans la mer. Dans les plus grandes sécheresses, jamais il ne tarit ; dans les plus grandes crues, jamais il ne déhorde. Ses eaux tièdes et bleues coulent à flots pressés sur un lit et entre des rives d’eau froide : c’est le gulf-stream ! Nulle part, dans le monde, il n’existe un courant aussi majestueux. Il est plus rapide que l’Amazone, plus impétueux que le Mississipi, et la masse de ces deux fleuves ne représente pas la millième partie du volume d’eau qu’il déplace. » Il prend naissance dans le golfe du Mexique, remonte au nord-est le long des côtes des États-Unis jusqu’à Terre-Neuve, où il s’infléchit vers l’est, traverse l’Atlantique du sud-ouest au nord-est, vient baigner l’Islande, les côtes orientales de l’Angleterre et de l’Ecosse, se dirige vers la Norvège, côtoie la Russie et toute l’Asie septentrionale,