Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus abondante. On en fait une consommation prodigieuse, non-seulement en Europe, mais aussi en Asie et surtout en Amérique. C’est un aliment de facile digestion, mais peu nutritif, car il n’en faudrait pas absorber moins de 16 douzaines par jour, pour assimiler les 315 grammes d’azote qui doivent former la ration journalière de l’homme adulte. Aussi, quelque intéressans que soient les procédés employés pour la multiplication de ce mollusque, ne doivent-ils pas être élevés à la hauteur d’une question d’alimentation publique. La pêche se fait au moyen d’une drague, espèce de râteau de fer muni d’un filet qui arrache les huîtres à leur rocher et ramène tout ce qu’il rencontre. Celles qui ne peuvent encore être livrées à la consommation sont placées dans des parcs d’engraissement jusqu’à ce qu’elles aient acquis les qualités requises. Ces parcs, ou claires, peuvent être immergés aux grandes marées et être mis à sec au moyen de vannes de décharge. Ils ont une superficie de 250 à 300 mètres carrés et sont fermés du côté de la mer par une digue munie d’une écluse qui permet de régler la hauteur des eaux pendant l’intervalle des marées. Les huîtres déposées sur le sol de ces claires doivent être fréquemment nettoyées et changées de compartiment quand la vase devient trop abondante. Ce n’est qu’à la condition de leur donner des soins constans qu’on réussit à obtenir des huîtres savoureuses comme celles de Marennes ou d’Ostende.

Il existe plusieurs espèces d’huîtres qui toutes ne sont pas également estimées. Ce sont l’huître commune de l’océan, qui n’est pas la même que celle de la Méditerranée ; l’huître plissée ou gravette, plus petite que la précédente, qu’on rencontre à Arcachon, à Cancale, et qui jouit d’une réputation méritée ; l’huître de Toulon, petite, à coquille épaisse et de forme bizarre ; l’huître anglaise, ou d’Ostende, qui n’est autre que l’huître de Bretagne importée sur les côtes anglaises et parquée à Ostende ; l’huître de Corse, qui ressemble à l’huître commune, quoiqu’elle soit plus longue ; l’huître pied de cheval, commune dans la Manche et dans l’océan, très grande, à valves épaisses et qui n’est probablement que l’huître commune arrivée à l’état de vieillesse. Depuis quelques années, une nouvelle espèce se montre sur nos côtes, c’est l’huître de Portugal, qui paraît plus précoce, plus robuste et plus prolifique que les autres. Comme preuve de sa rusticité, M. Léon Vaillant, professeur au Muséum d’histoire naturelle, dans son Rapport sur les produits de la pêche à l’Exposition de 1878, cite le fait suivant. Un bateau frété pour déposer, en 1866, sur les crassats d’Arcachon un chargement d’huîtres du Tage fut forcé par le mauvais temps de chercher un refuge dans la Gironde, qu’il remonta jusqu’à Bordeaux. Son chargement s’échauffa, et l’infection devint telle que l’autorité obligea le capitaine à reprendre la mer. Celui-ci