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de M. Bouchon-Brandely, confirme ces appréciations, c’est que dans les stations où, comme à Saint-Tropez et à Saint-Raphaël, les pêcheurs se sont interdit l’usage de ces filets, les côtes sont très poissonneuses et les pêcheurs dans une situation prospère. D’autres causes encore ont contribué à cet appauvrissement, c’est notamment l’emploi, pour s’emparer du poisson, des substances toxiques ou des matières explosibles, l’abondance des marsouins, qui détruisent les filets, et surtout l’inobservation des règlemens sur la pêche. Le défaut de surveillance est général, et le braconnage, surtout de la part des pêcheurs étrangers, s’exerce sur la plus grande échelle. Lorsque les délits sont constatés, les amendes encourues ne sont jamais payées et les peines corporelles jamais prononcées ; il en résulte que l’impunité est absolue et que les eaux méditerranéennes sont abandonnées aux entreprises les plus audacieuses.

M. Roy de Loulay et M. de Lorgeril, qui ont résumé les enquêtes faites sur les côtes de l’océan et sur celles de la Manche, arrivent à des conclusions analogues. D’après eux, on ne signale aucune diminution dans les espèces migratrices, dont le plus ou moins d’abondance dépend de causes naturelles, et dont la quantité varie d’une année à l’autre ; mais il n’en est pas de même des espèces sédentaires qui, sur un grand nombre de points, semblent s’être éloignées des côtes par suite de l’emploi des chaluts et autres filets traînans. Si la quantité de poissons pêchés n’est pas moindre qu’autrefois, c’est parce que le nombre des pêcheurs a augmenté et non parce que le poisson est plus abondant ; la pêche est devenue plus laborieuse et la part de chacun a diminué. Les honorables rapporteurs se plaignent également du défaut de surveillance et particulièrement de braconnage qui s’exerce sur la plupart des bancs d’huîtres.

M. Ch. Brun, ancien directeur des constructions navales et ancien ministre de la marine, voit les choses moins en noir. D’après lui, la diminution du poisson le long des côtes est loin d’être constatée ; la quantité pêchée augmente au contraire chaque année, ainsi que le nombre des pêcheurs. Si les marchés du littoral sont moins bien approvisionnés et si les prix se sont élevés, c’est parce que les débouchés se sont multipliés dans une énorme proportion par l’extension des voies de communication. Les règlemens édictés en vue de la protection du poisson de mer sont plus nuisibles qu’utiles ; car la fécondité de ce poisson est telle, les surfaces sur lesquelles il se reproduit sont si grandes que la pêche, même abusive, ne peut avoir qu’une très faible influence sur le peuplement des eaux de mer et ne peut entrer en parallèle avec les causes naturelles de destruction. Sans nier cependant les dommages que causent les filets traînans employés le long des côtes, M. Brun fait