Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

capitation de 1695 et de 1696. Si j’avais des troupes ici, je vous demanderois la même liberté. On faisoit donner 20 sols par jour à chaque dragon et 30 sols au maréchal-des-logis, et le gentilhomme nourrissoit le cheval et le dragon.. Aussitôt qu’on les eut envoyés chez deux ou trois, les autres se dépêchèrent de payer,.. Comme il n’y a pas de troupes ici, on se servira d’archers, si vous le jugez à propos. On enverra dix archers avec un prévôt résolu. Dès que cet ordre sera rendu public, j’espère que tous paieront[1]. » Le contrôleur-général répond, il est vrai, « qu’il faut faire en sorte de tenter toute autre voie avant de recourir à celle-là, qui lui paraît bien violente ; » mais il ne l’interdit pas. — À Aix, en 1703, un avocat « des plus aisés » refusa de payer sa capitation, et le receveur fut invité à faire saisir ses meubles et à les faire vendre jusqu’à concurrence du montant de l’impôt et des frais, si dans la quinzaine il ne s’était pas libéré ; il s’était, en outre, vanté de sa résistance, et l’intendant signala, le 26 juillet, ce qu’il appelait une insolence au contrôleur-général, qui donna l’ordre d’envoyer l’insolent, pour six mois, à 60 ou 80 lieues d’Aix[2].

L’intention du roi, formellement exprimée dans sa déclaration, avait été d’augmenter la capitation. On sait qu’en effet elle produisit de 28 à 30 millions et s’éleva même à 34 en 1711 ; mais elle descendit à 22 ou 23 millions les trois années suivantes, sans qu’on connaisse exactement, les causes de ces variations. En 1701, les capitaux qu’on s’était procurés, depuis 1689, par emprunts et par tous autres moyens, s’élevaient à plus de 650 millions, dont la charge annuelle dépassait 35 millions 1/2, somme très supérieure au produit de la capitation. Cet impôt ne put donc, dès la première année de son rétablissement, et comme en 1695, ni fournir aucun secours effectif pour la guerre, ni dispenser de recourir à tous les expédiens ruineux qu’il avait cependant pour but d’éviter : il en fut ainsi, à plus forte raison, les années suivantes, et Chamillart fut obligé de multiplier à l’excès les créations d’offices, les augmentations de gages, toutes les affaires extraordinaires.

Son successeur, Desmarets, avait pris, comme directeur des finances, une grande part à ces tristes opérations, et il ne put y renoncer complètement, quand (en 1708) il fut chargé du contrôler général ; cependant, neveu et élève de Colbert, il en sentait, plus encore que ses prédécesseurs, les abus et les fatales conséquences. En 1710, la situation militaire devint de plus en plus critique. Les conférences ouvertes à Gertruydenberg pour la paix avaient échoué

  1. Correspondance du-contrôleur-général avec les intendans, t. II, no 363.
  2. Ibid., t. II, no 503.